Qui après nous vivrez d’Hervé Le Corre : effondrement
De nombreux romans ont fait d’Hervé Le Corre un des maîtres du roman noir français. Citons parmi ses réussites Les cœurs déchiquetés, Après la guerre et Dans l’ombre du brasier. Il a publié en début d’année chez Rivages Qui après nous vivrez, dont le titre est tiré d’un poème de François Villon, un roman qui s’inscrit dans une thématique a priori loin du roman policier, celle de la fin du monde. Hervé Le Corre a juste imaginé ce qui se passerait si le monde actuel continuait sur sa lancée…
La fin… et après
Voici l’histoire de trois femmes sur un siècle. Tout commence avec Rebecca vers 2050, maman de la petite Alice. Elle vit avec son compagnon Martin dans une grande ville française, dans un monde troublé où plusieurs pandémies ont eu lieu mais la vie suit son cours. Mais tout change :
« Elle fait un pas en avant, décidée à prendre au hasard le premier vers quoi sa main se tendra, quand tout s’éteint.
La ville derrière elle a disparu. La nuit répandue brusquement, épaisse et chaude, poix renversée. Tout s’éteint.
Au fond de l’appartement, dans la chambre, la petite se met à pleurer. »
Et sa vie bascule. Il y a des pénuries, les rues deviennent dangereuses et des virus se répandent tandis que l’armée et la police tirent à vue. Et Martin disparaît. Rebecca finit par accepter de suivre son amie Aïssa et part en province chez les parents adoptifs de cette dernière. Elle y trouve un refuge, pour un temps seulement. Des années plus tard, sa fille Alice vit avec une bande de militaires, en guerre avec des religieux. Elle a eu une fille, Nour. Alice regarde souvent le portable de sa mère, rechargé grâce à ses batteries solaires. Elle fera tout pour protéger Nour et lui éviter le pire. Des années plus tard, Nour a eu aussi une fille, Clara. Les deux femmes vivent recluses dans une maison abandonnée avec Léo et son père Marceau. Lorsque Clara est attaquée et violée par des rôdeurs, Nour choisit de les retrouver. Malgré sa blessure à la jambe, Marceau les suit avec Léo. Commence un voyage où ils trouveront peut-être un endroit où tout recommencer au final…
Et les femmes survécurent
Ce roman a au fond un sujet assez simple : comment survivre à l’effondrement de notre monde, prévisible si rien ne change ? Sujet actuel et déjà bien rodé, on ne compte plus les romans relevant de cette peur existentielle. La particularité de Qui après nous vivrez est de choisir de raconter les histoires de trois générations de femmes confrontées à cet effondrement. Ces femmes ne sont pas des victimes, ni des “badass” comme les aiment la pop culture. Elles font face, elles endurent (le pire, et Le Corre a choisi de ne pas le montrer, c’est hors champ comme dans le cinéma classique) et font tout ce qu’elles peuvent pour s’en sortir. C’est aussi une histoire de transmission entre mères et filles (et aussi entre père et fils, comme avec Marceau et Léo). Vous l’aurez compris, c’est un roman qui ne peut pas laisser indifférent et qui est aussi une nouvelle preuve de la puissance d’écriture d’Hervé Le Corre. Qui après nous vivrez est à lire de toute urgence.
Sylvain Bonnet
Hervé Le Corre, Qui après nous vivrez, Rivages, janvier 2024, 400 pages, 21,90 euros