L’imitation de Bartleby de Julien Battesti


Gallimard vient de publier un petit livre singulier, L’Imitation de Bartleby, sous la plume de Julien Battesti, dont c’est le premier roman. Le titre résonne d’abord comme L’Imitation de Jésus Christ, formidable succès de librairie pendant des siècles, un peu oublié nos jours. Mais à part ce titre, rien de comparable. 

Bartleby est le héros d’un livre de Herman Melville, qui conte l’histoire d’un employé de banque à Wall Street au XIXe siècle, petit commis aux écritures totalement déjanté, aussi mutique qu’autiste, inactif, et finalement fou.  Bartleby le scribe est l’exact contraire, l’envers absolu, du monstre légendaire qui fit la gloire de Melville : Moby Dick. A toutes choses il répond « je préférerais ne pas » !

Pour autant, le personnage de Bartleby a passionné bon nombre d’écrivains, et de philosophes, qui ont abondamment disserté sur son étrange destinée, faisant de lui un farouche résistant au progrès, ou à l’argent, ou au langage, ou à la banque, ou à la bureaucratie, c’est selon… 

Le traducteur

Julien Battesti, lui, s’est intéressé au personnage de Michèle Causse, écrivain féministe et traductrice de Melville, qui s’est suicidée en Suisse devant les caméras, et dont il subodore que la lecture de Bartleby le scribe a contribué à la pousser à mourir. Ou plutôt à « dé-naître » comme elle l’a elle-même exposé. Il faut dire qu’en plus de sa traduction, Michèle Causse a écrit un opuscule sur Bartleby, où elle parle du caractère hautement suicidaire de ce « scribe »….

Ceux qui pourraient croire qu’il n’y a pas là matière à faire un livre se trompent lourdement. Car si le thème est mince, voire un peu funèbre, L’Imitation de Bartleby se lit comme un roman presque policier. Battesti campe un narrateur plein d’humour, qui découvre le monde les yeux grand ouverts, et emballe le lecteur avec des voyages dans le temps remplis  de charme et de littérature. On va de Strindberg à Joyce, en passant par Deleuze, Violette Leduc, ou le Livre de Job… C’est dire que ça déménage !

Très original, L’Imitation de Bartleby vaut aussi par la qualité d’une écriture soignée, que l’on se plait à souligner en ces temps d’ouvrages vulgaires, écrits à la truelle. Ainsi, tout concorde à penser que grâce à Melville et à Michèle Causse, un nouvel écrivain est né. 

Didier Ters

Julien Battesti, L’Imitation de Bartleby, Gallimard, septembre 2019, 120 pages, 12 eur  

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