La Mère noire de Jean-Bernard Pouy & Marc Villard : les deux font la paire

Un tandem de polareux

On ne présente plus le duo Jean-Bernard Pouy/Marc Villard, responsable de recueils à la fois hilarants et très noirs comme Ping-pong (Rivages, 2005), Tohu-bohu (Rivages, 2008) ou ZigZag (Rivages, 2010). Ce sont deux grands stylistes, deux amoureux des mots, deux grands désespérés aussi devant le chemin que prend le monde. En février dernier, ils ont signé ensemble La Mère noire, deux histoires séparées signées par chacun des auteurs et qui finissent par n’en former qu’une seule…  

Un père et sa fille

Je déteste quand on me demande, hé petite fille, t’as quel âge ? Je réponds toujours : l’âge qu’on me foute la paix, et toc, non mais, alors mon père me dit, Cloclo, calme-toi, il te disait ça sans méchanceté, et je rajoute, moi aussi. Ma mère, elle dit rien, normal, elle s’est barrée il y a six ans, ou sept, je ne compte pas, j’étais toute petite, je ne me souviens presque plus d’elle, sauf de ses genoux, quand j’étais dessus, et de son parfum, depuis, je sais que c’était du patchouli, c’est dégueulasse, le patchouli, c’est ce que je trouve maintenant. 

Et nous voici plongé dans l’histoire de la jeune Clotilde, jeune ado hyper-intelligente mais révoltée par principe contre le système scolaire. Elle est élevée par son père, jamais remis du jour où sa femme Véro s’est barrée. La jeune Clotilde est plutôt du genre rebelle et la voici impliquée avec son père lors de vacances en Bretagne dans une manifestation qui dégénère. Clotilde est blessée au visage et soignée à l’hosto. Son père la ramène chez eux et voilà que sa mère, Véro, débarque sous les yeux énamourés du père. Clotilde émet alors le vœu de partir en pensionnat…  

Une mère perdue

C’est Véro qui conduit. Elle va sur ses trente ans, son visage est régulier et sa coupe de cheveux évoque celle de Linda Evangelista. L’homme à ses côtés se fait appeler Tintin. Il a quarante ans, les joues creuses, un peu grande gueule. 

Et voici l’histoire de la mère, Véro donc. Une fille pas comme les autres, elle ne pouvait vivre dans le conformisme, elle se sentait emprisonnée dans sa vie de couple… Et s’est barrée. Son mari a fait croire à Clotilde qu’elle était partie à Katmandou mais on est plutôt dans le Sud, entre braquage foireux, un Tintin décevant et des soins psychiatriques… Ce qui n’empêchera pas au final Véro de vouloir renouer avec sa famille.  

Un pur régal

On ne cachera pas ici suivre depuis longtemps ces deux écrivains et leurs parties de Ping-pong littéraires. Ici la gouaille de Pouy est rejointe par la mélancolie de Villard, les deux récits se complétant parfaitement. Pouy raconte avec chaleur l’histoire d’un père et de sa fille, Villard scrute l’itinéraire d’un mère qui voulait s’enfuir d’un quotidien trop conformiste. En arrière-plan, on reconnaît une société française en crise.

La Mère noire fera les délices des amateurs de roman noir et des admirateurs d’un duo dont on espère encore lire bien des joyaux.      

Sylvain Bonnet

Jean-Bernard Pouy & Marc Villard, La Mère noire, Gallimard, « série noire », février 2021, 160 pages, 15 eur

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