Henri IV, le pacificateur, une biographie de Jean-Christian Petitfils

Le spécialiste des Bourbons

Depuis une trentaine d’années, Jean-Christian Petitfils s’est imposé comme un des meilleurs historiens de la France moderne, consacrant des biographies autant à des personnages comme Fouquet (Perrin, 1998) ou Lauzun (Perrin, 1987) qu’à des rois : Louis XIV tout d’abord en 1995 qui lui permit d’obtenir le grand prix de la biographie de l’Académie française, Louis XVI en 2005, Louis XIII en 2008, Louis XV en 2014. Il était inévitable au fond qu’il se penche sur la figure d’Henri IV, le fondateur de la dynastie des Bourbons.

Un prince qui ne devait pas devenir roi de France

Henri IV… Même l’historiographie républicaine a fini par en faire une espèce de saint laïc, achevant ainsi la construction d’un mythe né après sa mort. On oublie que ce Bourbon n’aurait jamais dû accéder au trône de France. Descendant de Saint Louis, apparenté aux Valois par sa grand-mère Marguerite, Henri devient roi de Navarre : il s’agit d’un petit état croupion amputé par l’Espagne des Habsbourg de ses plus belles provinces. Tiraillé entre sa mère, Jeanne d’Albret, devenue protestante et un père plus volage et inconstant, il finit par être installé (de force) à la cour des Valois. Il y grandit avec le roi Charles IX, le futur Henri III et… Margot, sa future femme. Le jeune Henri, plutôt sympathique, observe la cour des Valois, confrontée au piège des guerres de religion. Élevé par sa mère dans le protestantisme, il abjure pourtant durant son enfance, sans trop de problèmes de conscience… Et revient au calvinisme ensuite. L’homme sera coutumier du fait.

Un chef de parti

Marié à Marguerite de Valois, lui et son cousin Condé assistent à la Saint Barthélémy et abjurent une nouvelle fois leur foi pour sauver leur peau. Henri apprend alors à dissimuler, à cacher ses sentiments. On devine sous la plume de Jean-Christian Petitfils un prince finalement très « machiavélien » qui réussit à fuir la cour et devient chef du parti Huguenot. On oublie souvent qu’aux guerres de religion se superposent des conflits féodaux, une lutte pour le pouvoir entre grands lignages. Henri de Navarre tient à faire respecter ses droits, surtout que les décès successifs des rois Valois finissent par le rapprocher du trône…

Un roi absolu

À la lecture de cette biographie, on ressort impressionné par le doigté et la subtilité de ce gascon en apparence mal dégrossi qui réussit à conquérir son royaume autant par la diplomatie que par le fer et le sang. Il réussit à s’imposer petit à petit face à la Ligue catholique soutenue par l’Espagne, se convertit au bon moment en se faisant le défenseur des libertés gallicanes de l’église de France face à la papauté de Rome. Enfin, il impose la paix à l’extérieur face à l’Espagne et à l’intérieur avec l’édit de Nantes. À ce propos, il faut souligner que ce texte accorde des droits aux protestants en tant que parti, à un point que Roland Mousnier, un historien aujourd’hui oublié, soulignait qu’au fond l’édit faisait d’eux une sorte de quatrième ordre, à côté de la Noblesse, de l’Église et du Tiers État. On est loin, très loin de la liberté de conscience actuelle ou de notre si chère laïcité…

Toujours est-il qu’Henri IV, longtemps un roi de guerre courageux et victorieux, est aussi un pacificateur. Son défaut ? Les femmes ! Elles lui coûtent cher en pensions, titres car ces dames ne se donnent à lui qu’en obtenant des prébendes. Il est même sur le point en 1610 de partir en guerre à cause d’une jouvencelle sortie de l’adolescence réfugiée avec son mari à Bruxelles ! C’est une figure royale originale et attachante, autoritaire aussi, que nous découvrons avec cette biographie d’Henri IV, qui est aussi très bien écrite par un de nos meilleurs historiens, ce qui ne gâche rien.

Sylvain Bonnet

Jean-Christian Petitfils, Henri IV, septembre 2021, Perrin, 848 pages, 28 eur

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