Chemins sans issue selon Van Gogh

Les mystères qui entourent la personnalité de Van Gogh, et son œuvre autant que sa vie, interrogent toujours les spécialistes de l’art. David Haziot, en bon spécialiste de l’impressionnisme, et déjà auteur d’une biographie du peintre (1), s’est penché dans un petit livre Chemins sans issue selon Van Gogh, sur la fin de sa vie, et notamment un de ses tout derniers tableaux, « Champ de blé aux corbeaux ». Cette œuvre énigmatique intrigue elle aussi les amateurs et les chercheurs. 

Il s’agit d’une toile exposée au musée d’Amsterdam, qui représente des blés murs, d’un jaune soutenu, sur fond de ciel bleu vif et bleu noir tourmenté, sur lequel volent des dizaines de corbeaux. Un chemin coupe la toile en deux ; il ne mène nulle part. Ce tableau est presque bicolore, une moitié jaune, une moitié bleu, exception faite des traces vertes du chemin. Le style est bien, à tous égards, celui de l’artiste. Mais ce qui intéresse Haziot, c’est cette question qui le tourmente : qu’est-ce que Van Gogh a voulu nous dire avec cette œuvre étrange ? 

Pour essayer d’y répondre il scrute les derniers mois de la vie du peintre, et ses rapports avec son frère Théo. Comment cet homme qui voulait devenir pasteur comme son père, a-t-il échoué à Auvers sur Oise, à moitié fou,  crevant de faim, obsédé à l’idée de peindre, et souvent raillé par les enfants du village qui lui lancent des pierres…. Faut-il être à ce point malheureux pour peindre des chefs d’œuvre ?

une œuvre porteuse de mort

Vincent Van Gogh mourut dans les bras de son frère tant aimé le 29 juillet 1890, d’une balle tirée dans sa poitrine deux jours avant. Et, commente David Haziot :

Le Champ de blé aux corbeaux devint une image synthétique, tant par le sujet que par la forme, du destin de Vincent Van Gogh. D’autres toiles aussi belles témoignent du séjour à Auvers-sur-Oise. Il revint à celle-ci de dire le bonheur de vivre, et l’impossibilité pour l’artiste d’y parvenir.

Autrement dit : la vie avec ce beau blé qui mûrit au soleil, et la mort avec ces oiseaux de malheur, aussi sinistres que chez Edgar Poe, et dont la Résistance, naguère, entendait le vol noir dans la plaine…

La thèse du suicide, généralement admise par les historiens de l’art, et reprise ici, ne fait cependant pas l’unanimité. ? On rapprochera ces Chemins sans issue du livre de Jean-Luc Piette, La Dernière toile de Vincent Van Gogh, qui accrédite l’idée d’un meurtre, que le peintre aurait lui-même déguisé en suicide. Soit. Les deux livres diffèrent sur ce point, mais dans les deux cas, il d’agit d’un roman, qui prend appui sur des faits historiques, mais s’en éloignent par des chemins divers. C’est la preuve que l’artiste exerce encore et toujours une sorte de fascination. 

On lira donc avec profit Chemins sans issue selon Vincent Van Gogh de David Haziot, qui reconstitue avec minutie et romanesque, ce qu’a pu être la fin de vie du « pauvre » Vincent. Lequel estimait que ses toiles diront ce que lui-même ne savait pas dire en paroles…

Didier Ters

David Haziot, Chemins sans issue selon Vincent Van Gogh, Ateliers Henry Dougier, septembre 2021, 120 pages 12,90 eur

(1) Van Gogh, Gallimard, « folio biographie », octobre 2007, 496 pages, 10,30 eur

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