Jean des Bandes Noires, l’archétype du condottière
Un ancêtre méconnu des rois de France
Qui connaît en France Jean des bandes noires, alias Jean de Médicis ? Personne ou presque, alors qu’il est l’ancêtre direct de Marie de Médicis, épouse d’Henri IV et mère de Louis XIII, donc un ancêtre « caché » de l’ancienne famille royale de France. Il fut aussi un condottière, ces chefs de guerre italiens de la Renaissance qui entretenaient des troupes de mercenaires et se vendaient au plus offrant. Florence Alazard, agrégée d’histoire et spécialiste de la Renaissance italienne, nous raconte dans Jean des bandes noires son histoire qui a, telle une grande vague, continué d’onduler vers nous.
Un homme tué en pleine gloire
Voilà donc Jean de Médicis, héritier d’une branche collatérale de la famille de Laurent le magnifique et qui grandit dans une relative obscurité… sauf qu’il décide de devenir un homme de guerre. Et l’Italie de l’époque, convoitée par la France et les Habsbourg, surveillée par le Pape, est un théâtre rêvé pour les ambitions militaires. Dans cette vie courte (il meurt à 28 ans), Jean est un combattant hors pair, un expert de ce qu’on appelle la petite guerre, faite d’escarmouches et de harcèlements : ce n’est pas encore la guérilla mais ça y ressemble. Bien sûr, Jean aime les femmes et en a beaucoup : son ami intime l’Arétin vantera plus tard le nombre de ses conquêtes. Il aurait dû combattre aux côtés de François Ier à Pavie s’il n’avait pas été blessé à la jambe : nombre d’historiographes pensent que sa présence aurait changé les choses. Juste une reconstruction a posteriori, nous ne le saurons jamais. Et il meurt en 1526, bêtement…
Une postérité inattendue
Cette figure de Jean de Médicis survit jusqu’à nos jours. On lui donne un surnom inusité de son vivant, Jean des Bandes Noires, et sa réputation de grand soldat grandit : il est même loué par Machiavel. Ensuite, son fils Côme a une carrière exceptionnelle à Florence, devenant duc de Florence (une république) puis grand-duc de Toscane : la gloire du fils rejaillit sur la figure du père. Mais la légende s’empare de Jean des bandes noires qui devient au XIXe siècle une figure du patriotisme italien. Au XXe siècle, il sera récupéré par les fascistes… Puis interprété à l’écran par Vittorio Gassman (!).
Une figure singulière qui méritait d’être tirée de l’oubli, ce à quoi le Jean des bandes noires de Florence Alazard s’emploie à merveille.
Sylvain Bonnet
Florence Alazard, Jean des bandes noires, Passés composés, février 2023, 240 pages, 22 euros