La Reine des lectrices d’Alan Bennett

Et si la Reine d’Angleterre, Elizabeth, s’éprenait soudain du simple plaisir de lire. A partir de cette hypothèse, le so British Alan Bennett imagine La Reine des lectrices, qui va conduire le lecteur avec espièglerie dans l’intimité d’une passion pas si anodine.

God save the book

Elizabeth II a une vie très bien réglée, qui est plus une série d’obligations qu’une vie personnelle. Tout est programmé, prévu dans l’agenda officiel, même ses interventions spontanées… Mais voilà qu’elle sort des chemins balisés après avoir découvert qu’un bibliobus passait derrière son Palais. Elle y rencontre un de ses commis de cuisine et en fait son tabellion. D’abord curieuse, voilà la Reine totalement éprise de lecture. Elle évolue, d’un livre à l’autre, comme un apprentissage accéléré, parce que lire était une passion de jeunesse mais qu’il n’était pas séant pour sa Majesté de s’octroyer un passe-temps plutôt qu’un autre, et que son temps était dû à ses obligations.

La reine lit. De plus en plus, et partout, si bien que ses retards commencent à se faire sentir alors que ses voyage (en train ou en carrosse, il n’y pas une minute à perdre) sont autant de moment disponibles pour lire. Et s’il faut saluer son bon peuple ? Qu’importe, un visage souriant et une main saluant, mais un livre ouvert discrètement devant ses yeux et tenu par un de ses accompagnateurs.

Et c’était la vérité : elle était heureuse. La lecture avait suscité en elle une passion telle qu’elle n’en avait jamais connue auparavant et elle dévorait les livres à une vitesse ahurissante.

Un livre, mon royaume pour un livre

La Reine des lectrices est un roman amusant qui prend la figure altière de la Reine et lui rend de son humanité. Mais c’est aussi une critique d’un monde où le livre est au mieux un objet étranger et incongru, au pire un objet à proscrire. La passion de la reine sert à révéler que son bon peuple, (entendu, tout le monde) s’est éloigné du livre. Quel objet dérangeant ! Et quelle idée d’aller imposer au peuple un conversation sur tel ou tel vieil écrivain plutôt que de demander, comme le protocole en dispose, si le voyage pour venir rencontrer Sa Majesté a été agréable ?

C’est sans doute pour cela que certaines forces veulent imposer à la reine qu’elle cesse cette folie. En secret, on s’oppose à elle, « la vieille », on la croit perdue… et si sa lubie tournait en folie ? Et si le royaume même courrait à sa perte ?

A travers des descriptions et des dialogues savoureux, Alan Bennett dresse un portrait de la Monarchie et des institutions, engoncés dans ses faux-semblants et son hypocrisie. Et, en plus d’être brillamment drôle, La Reine des lectrices est un éloge du livre !

Loïc Di Stefano

Alan Bennett, La Reine des lectrices, traduit de l’anglais par Pierre Ménard, Gallimard, « folio », 122 pages, mai 2010, 5,50 euros

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