Vie de Gérard Fulmard de Jean Echenoz
Jean Echenoz est un spécialiste des titres courts (Ravel, Courir, Lac), et avec 14 en 2012, il a sans doute écrit un des titres les plus courts de la littérature. C’est aussi un des auteurs fétiches des éditions de Minuit, avec une bonne quinzaine de romans à son actif, depuis quarante ans.
Le dernier en date est plus banalement intitulé Vie de Gérard Fulmard. Et tout aussi banal est le héros du livre, Français moyen dans tous les sens du terme, taille moyenne, intelligence moyenne, personnalité très moyenne, et tout le reste en suivant. Saut que le destin réserve parfois des surprises aux êtres les moins appelés aux grandes ambitions.
De grandes ambitions
C’est ainsi que Gérard Fulmard, célibataire sans femme et chômeur sans profession, s’installe comme détective privé, avec son lot imprévu de désagréments. Puis se laisse embringué dans un parti politique, qui s’appelle F.P.I., c’est-à-dire Fédération Populaire Indépendante. Et à partir de là, sa vie va s’animer en d’imprévisibles aventures.
Jean Echenoz se complait à décrire un monde d’authentiques brigands avec un humour décalé plein de finesse, ce qui constitue une satire amusante d’une société qui est simplement la nôtre. On y croise des requins aux mâchoires cruelles, des porte-flingues patentés, des psychanalystes véreux, et tout un tas de voyous, parmi lesquels les jolies femmes ont du mal à rester habillées.
Et le pauvre Fulmard, dans tout cela ?
Mêlé malgré lui, ou à cause de lui, à mille turpitudes, il devient tueur à gages, profession qui convient peu à ses médiocres capacités, ce qui ne tardera pas à se confirmer. Comme se confirmera au fil des pages que les coulisses des partis politiques, visitées par Jean Echenoz, valent leur pesant de moutarde, sans parler des cadavres, des trahisons , des coups tordus et des faux suicides….
Cette Vie de Gérard Fulmard a déjà été encensée par une critique un peu indulgente, qui n’a pas peut-être pas grand-chose de mieux à se mettre sous la dent. Car si le livre se lit avec sourire et facilité, il n’en échappe pas moins au burlesque, à l’invraisemblable et à l’outrance, ce qui en ternit un peu le prix. Mais ne boudons pas notre plaisir. Et saluons l’esprit décoiffant de Jean Echenoz.
Didier Ters
Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, Editions de Minuit, janvier 2020, 230 pages, 18,50 eur