La vie négociable de Luis Landero


Voilà un Espagnol pas comme les autres ! Professeur de lettres et romancier, Luis Landero ne nous parle ni de corrida, ni de Cervantés, ni de Pays basque ou catalan, ni de Guernica ou de Picasso. Mais il nous raconte une existence ratée, entendons bien : complètement ratée. La Vie négociable est le récit de ce que Zorba le Grec aurait appelé un « splendide désastre », c’est-à-dire l’art et la manière de passer à côté de tout, en accumulant les bévues et en élevant la prétention au sommet du ridicule. 

Hugo Bayo, le héros du livre, est le type même de l’anti héros. C’est un brave garçon qui se prend pour un grand homme, veut connaitre le grand amour,  gagner beaucoup d’argent, devenir un chef puissant et un créateur respecté. Las ! Petit garçon coiffeur de quartier, fils d’un escroc et d’une coquette, il est sans cesse rattrapé par son hérédité, ses maladresses, ses mensonges, et rien n’avance dans sa vie, sinon le sentiment qu’il ne fera jamais rien de bien. 

la vie aporie

Ainsi va la vie… de bien des gens, pense sans doute l’excellent Luis Landero, dans ce roman mené au pas de charge. L’auteur ne se fait visiblement pas d’illusion sur la nature humaine, ni sur les perspectives d’épanouissement de la société espagnole. Mais cette société ressemble à beaucoup d’autres, et l’auteur n’a pas tort de montrer qu’il n’est pas facile de « négocier » une vie en accumulant les déboires et les échecs. 

Ce thème est à la mode et apparait dans plusieurs romans, signe que la place de l’homme dans la société est un débat d’actualité. C’est plutôt bon signe. Le fait que cette « vie négociable » se situe à Madrid, dans l’Espagne de la Movida et de la fin du XXe siècle, ajoute un éclairage intéressant, et un peu inattendu. Le ton employé par Luis Landero, malgré quelques longueurs, l’humour satirique qui est sous-jacent, la pertinence de certaines situations et la psychologie qui préside à tout cela, sont autant de vertus à mettre à l’actif de ce bon livre. 

Didier Ters

Luis Landero, La Vie négociable, éditions du Rocher, septembre 2019, 440 pages, 22 eur

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