Danielle Darrieux, stradivarius de l’écran

Il a fallu attendre la disparition de Danielle Darrieux (survenue le 17 octobre 2017) pour que l’on se rende compte de son importance au sein du cinéma français. On était tellement habitué à la voir, elle semblait à tel point faire partie du décor, qu’on avait fini par l’oublier. C’était un tort. Car DD, comme on la surnommait, vécut une carrière exceptionnelle, par sa qualité et sa longévité. L’auteur de cet ouvrage, Jean-Noël Grando, nous rappelle avec justesse :

On peut affirmer que Danielle Darrieux représente l’actrice de cinéma par excellence. Naturellement douée pour jouer la comédie, elle va inaugurer une longue liste d’actrices spontanées et parviendra parfaitement à s’approprier l’essence du cinématographe. 

Plus qu’une comédienne, elle s’imposa comme une référence. Son aisance, sa décontraction, sa fraicheur firent merveille film après film. 

Justement, Danielle Darrieux, stradivarius de l’écran se propose de reprendre sa carrière pas à pas c’est-à-dire, pour l’essentiel, film par film. Du Bal (1931) à Pièce montée (2010). Une liste impressionnante qui lui permit de goûter à tous les styles exceptés les westerns et les ersatz d’arts martiaux !

Ici, chacune de ses prestations est présentée en détails, avec des références basées sur des documents d’époque bien utilisés. Le tout pimenté de commentaires issus de la bouche de Danielle (et provenant des rares interviews qu’elle accorda durant sa carrière car elle n’était pas friande de ce genre de prestation). De ci de là de courts entretiens inédits, émanant de personnalités ayant travaillé avec elle, complètent le tableau.

Certaines œuvres majeures (elles sont nombreuses) méritent qu’on s’y attarde plus longtemps. Ce que fait Grando en se livrant à des analyses simples et précises. Il aime son sujet et le connaît bien.

Danielle Darrieux et Jean Gabin dans « La vérité sur Bébé Donge » de Henri Decoin 1952 © Rue des Archives

Encore un petit effort Monsieur Grando

Rien à redire, donc, sur le fond. Tout est net, sans artifice inutile et permet de suivre l’évolution de Danielle qui passa avec talent et discrétion de la gamine à la grand-mère (il lui fallut quelques années pour y parvenir). 

En revanche, je suis un peu plus circonspect en ce qui concerne la forme. Aucune erreur majeure dans le texte mais un style des plus déroutants. M. Grando semble connaître la grammaire cinématographique mais non la simple grammaire apprise dans nos écoles. La concordance des temps n’est pas son fort. On peut donc trouver dans un même paragraphe le présent, le passé et le futur qui se bousculent pour traiter d’un même sujet. Ce genre de gymnastique donne le tournis. De plus, l’auteur a dû profiter d’une promotion sur le verbe aller et l’utilise à tout-va sans jamais épuiser son stock. D’où des va et des vont en pagaille qui alourdissent le style et la lecture. Si c’est un choix d’écriture, je ne le cautionne pas.

Danielle Darrieux sur le plateau de l’émission de télévision « Vivement dimanche » le 5 décembre 2007 / © Maxppp

L’album d’une vie

Mais cela reste très secondaire comparé au reste : les informations contenues et les innombrables illustrations. Car cet ouvrage se veut avant tout un bel album ; et il l’est. Agréablement mis en page avec une multitude de documents (couvertures de magazines, photos d’époque, affiches, etc.) Il est très agréable à feuilleter et d’un format judicieux. Il constitue, donc, un bel hommage à cette actrice hors-pair. Une véritable redécouverte de quatre-vingt années de cinéma français (avec en prime quelques films étrangers puisque DD alla notamment faire un petit tour à Hollywood).

Parallèlement à sa carrière cinématographique est mis en exergue son parcours de chanteuse. Elle avait une jolie voix et sut la couler sur des disques. Le chapitre concernant la discographie est bienvenu. Celui concernant le théâtre aurait mérité d’être plus développé car elle se produisit souvent sur scène (une trentaine de pièces) et je me souviens que sa prestation dans Lucienne et le boucher (de Marcel Aymé) fit sensation en 1976. 

Les amateurs de Danielle Darrieux ne seront pas déçus par cet ouvrage qui leur permettra de raviver leurs souvenirs et de glaner de nouvelles informations. DD en eut été contente.

Philippe Durant

Jean-Noël Grando, Danielle Darrieux, stradivarius de l’écran, préface de Jean-Claude Carrière, Éditions L’Autre Regard, octobre 2018, 200 pages, 26,90 eur


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