Le Comte de Monte-Cristo, un film de David Greene (1976)

Avec Les Misérables, Le Comte de Monte-Cristo est probablement l’œuvre littéraire dont le cinéma s’est le plus inspiré. Dans les deux cas, les adaptations – films, téléfilms, séries, dessins animés – se comptent par dizaines. Ce succès trouve sans doute son origine dans le fait que les deux histoires sont comme la concrétisation du fantasme que Claude Lelouch – qui a d’ailleurs proposé son adaptation personnelle du roman de Hugo – avait lorsqu’il était enfant : au temps où les cinémas étaient « permanents », il restait dans la salle pour voir le film une seconde fois, avec l’espoir que, cette seconde fois, les personnages connaîtraient un destin différent. Eh bien, lorsqu’on y réfléchit, les romans Les Misérables et Monte-Cristo, qui le premier raconte une revanche, le second une vengeance, sont comme la réalisation de ce fantasme, puisque l’un et l’autre se composent de deux parties dont la seconde est d’une certaine manière la réécriture de la première.

Ne nous étonnons donc pas si, alors que sort en Blu-ray la dernière en date des versions cinématographiques de Monte-Cristo (avec Pierre Niney dans le rôle de), un éditeur avisé (Elephant Films) publie un téléfilm réalisé par David Greene en 1976, avec Richard Chamberlain et, dans le rôle du méchant Mondego, Tony Curtis. Il n’est pas inintéressant de se livrer à une petite étude comparative. Dans ce téléfilm, l’affaire est bouclée en une heure trente : cette brièveté pourrait apparaître comme une qualité inappréciable face aux interminables pensums que le cinéma nous inflige ces temps-ci, mais, en l’occurrence, elle constitue presque un contresens. La vengeance étant, comme on sait, un plat qui se mange froid, il convient de laisser audit plat le temps de refroidir, et là, il est encore tiède ! Les scénaristes en sont bien conscients, qui font la part belle à la première partie et s’attardent sur les rapports entre Dantès et l’abbé Faria, et la mise en scène insiste, à grands coups de maquillage, sur le vieillissement des personnages : dans la seconde partie, contrairement à Pierre Niney qui, immarcescible, garde d’un bout à l’autre la même apparence physique, Chamberlain et Curtis ont des cheveux plus blancs que blanc. Mais ces efforts ne suffisent pas à rendre le récit tout à fait convaincant.

Reste cependant – choix méritoire pour une production largement américaine – le refus du happy end. Non, Dantès et Mercédès (Kate Nelligan) ne vivront jamais ensemble, car le temps perdu ne se rattrape jamais. Métaphore poussée jusqu’au bout de la condition du spectateur : une fois terminée la parenthèse enchantée offerte sur l’écran, il doit bien sortir de la salle pour retrouver la triste réalité du monde. Ajoutons d’ailleurs un clin d’œil perfide dans le choix des comédiens : le substitut du procureur qui, pour protéger son propre père, fait injustement condamner Dantès est interprété par le Français Louis Jourdan, qui avait lui-même incarné Dantès dans la version – longue, mais un peu lourdingue – réalisée quinze ans plus tôt par Claude Autant-Lara. La frontière entre le bien et le mal est parfois bien ténue…

FAL

Le Comte de Monte-Cristo (The Count of Monte-Cristo)

Réalisateur : David Greene. Avec : Richard Chamberlain, Trevor Howard, Louis Jourdan, Donald Pleasence, Kate Nelligan, Tony Curtis.

Combo Blu-ray + DVD et en DVD,100 min. Elephant Films.

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