Les Éternels, GAÏA 1 : début réussi de Kaufman & Spooner

Les Éternels, Space Opera ado and much more !

Avec les Éternels de Amie Kaufman et Meagan Spooner, les éditions J’ai Lu Imaginaire font feu de tous bois pour promouvoir la SFF. Nous en parlons régulièrement ici. Ainsi, sous les marques J’ai lu, Nouveaux Millénaires, en poche ou en semi-poche, la maison Flammarion fait honneur aux genres qui nous passionnent. Et la littérature ado ou YAL (young adult literature), n’est pas en reste dans leur profus catalogue ni dans nos rubriques.

Avec Amie Kaufman, co-auteure, le projet est déjà excitant. Avant les Éternels, je m’étais régalé sur la série Illuminae chez Casterman (en duo aussi, avec Jay Kristoff). Ambitieuse épopée spatiale, sorte de cycle de Vorkosigan ou d’Ender pour ados avec une ambiance cyber et gaming marquée.

Alors le début d’une nouvelle saga SF, le cycle de Gaia, clairement tourné vers l’aventure, forcément, a titillé ma curiosité. Donc, amis boojumiens, explorons ensembles les Éternels, épisode one.


Une promesse et un pari : l’aventure !

les éternels

D’abord, plantons le décor. Fin du siècle. Comme prévu par les cassandres, la Terre a morflé. Elle a pris cher même. Réchauffement climatique, écroulement des ressources, collapse. Malgré tout, un sursaut permet à l’humanité d’espérer un temps. Une Alliance Internationale (AI) regroupe les nations et les cerveaux surtout. Et zou, on envoie un vaisseau génération vers la constellation du Centaure (encore et toujours ! ). Mission : explorer ce que tout le monde espère être une Terre 2. Au pire, un nouveau départ.

Malheureusement, 8 ans après le début du voyage – il y a près d’un demi-siècle de ça – quelque chose a atrocement mal tourné. Dans le dernier message, les voyageurs de l’espace imploraient inlassablement l’Alliance Internationale de venir à leur secours.

Mais en cherchant le vaisseau disparu, des astronomes captent un autre message, non-humain cette fois. Un ensemble de données cryptées que seul le savant Elliott Addison réussit à traduire. Rapidement baptisés les Éternels, les extra-terrestres à l’origine du signal, préviennent l’humanité de leur propre disparition. Pour des auto-proclamés les Éternels, ça la fout mal. Ou ça augure d’emmerdes pour le moins…galactiques. Surtout, encodé dans le message, ils indiquent aussi le moyen de retrouver une planète : Gaïa. Et bien sûr le moyen d’y aller.

Cependant, le message est ambigu. Attirant par le bon technologique promis et donné, menaçant en indiquant un pouvoir à trouver avec un prix à payer…Ahahaha ! Du content marketing bien sibyllin, qu’en bons humains faibles et âpres aux gains, nous nous empressons d’ignorer. Trop heureux de jouer en espérant gagner au grattage ET au tirage.

Espoir, piège ou sauvetage ?

Ainsi une porte est construite. Et bientôt Explorer IV découvre le dernier monde des Éternels. Des temples semblent les seuls vestiges archéologiques de la civilisation millénaire éteinte. Lorsque le plus grand des artefacts est exploré, l’évidence saute aux yeux des terriens. L’ensemble est truffé de pièges mortels. Décimant en partie l’équipage.

Malgré tout l’AI, en ramenant une lentille d’énergie alien, qui permet d’alimenter la côte ouest de l’Amérique, prouve au monde entier que l’exploitation coûte que coûte de Gaïa est l’enjeu majeur qui sauvera l’Humanité. Ou pas. Car la fin du message des Éternels est claire :

Sachez que ce voyage est sans fin

Sachez que les dangers à venir seront nombreux

Déverrouiller cette porte peut mener au salut ou à la perte. Alors Choisissez.

Et je danse le MIA avec JUL(es)

Car forcément, cela ne va pas se passer simplement. Et comme sur Terre, où deux sociétés se font face – les nantis hightechs, les oubliés lowtechs – deux jeunes héraults sont envoyés au casse-pipe spatial. La pillarde Amélia, aka Mia, si elle n’a que 16 ans, est l’archétype de la survivaliste. Douée pour dénicher, douée pour éviter les pièges. Douée pour y tomber aussi.

Alors quand elle est choisie pour être balancée en loucedé sur Gaïa par une pègre alléchée par un pillage des artefacts aliens, elle n’en revient pas de sa chance. Elle espère ainsi réunir des fonds pour son seul objectif : sauver sa jeune sœur ! Esclave contractuelle d’une Terre où les fratries sont interdites.

À l’opposé du spectre, il y a Jules. Qui par une autre (vraiment ?) filière de contrebande, atterrit sur Gaïa. Étudiant brillant, étonnamment expert ès Éternels, aux manières policées et à la conviction chevillée : les temples sont plus que des pièges ! Comme eux, Jules cache un lourd secret. Un héritage et une malédiction. En recherche d’une rédemption familiale lui aussi. Il a une certitude. Laisser l’AI ou les pillards s’emparer des secrets des Éternels c’est exaucer la prophétie la plus sombre du message des Éternels.

Choisissez – et continuez votre périple si vous l’osez !

Indy, Stargate et Escape Game.

Alors, on l’aura compris, rapidement ces deux là vont se croiser. Faire cause commune, malgré leur antinomie apparente. Voire leur antipathie (ça ne va pas durer hein). Mais devant les obstacles, les pièges et leur survie étant en jeu souvent, leur alliance va faire des étincelles. En touchant du doigt, par déduction, par chance ou par empathie avec les Éternels, les réponses cachées dans le temple.

En effet, glyphes, artefacts et énigmes architecturales en mode escape game, guident in extremis l’improbable duo vers une sortie espérée. Redoutée ? Le savoir de l’un, l’instinct et les réflexes de l’autre permettront-ils l’improbable ? Réussir là où L’AI ou l’organisation secrète des pillards semblent avoir échouer ? Percer le pouvoir des Éternels. Quitte à provoquer le pire…

En un clin d’œil, je comprends ce qu’est cette pièce. Un voyage dans le temps, de ce qui repose derrière nous à ce qui s’étend devant, même si j’ignore comment je suis censé comprendre des mystères qui me seront posés plus tard. Je peux cependant commencer par ce que je sais déjà. Le reste se révélera peut-être naturellement. Ou je trouverai le moyen de fuir.

Un cocktail détonnant : le Space POP’ ?

Bien sûr, la trame narrative YAL est parfois agaçante. Une romance, forcément. Une quête, forcément. Un secret, forcément. Une voix par chapitre. Mais diantre, quelle bonne surprise que ce Gaïa tome 1 !

la grande porte

Malgré tout, cela fonctionne plus qu’efficacement. Et comme dans les plus belles pages de l’âge d’or des pulps façon Burroughs, on est emballé par l’histoire et ses rebondissements. Le mix entre aventure archéologique à la Indiana Jones et Space Op’ ! Le duo d’auteure maîtrise en cela l’Histoire du genre. On sent un peu du cycle des portes de Frederik Pohl . Cette énigme autour des Heechees. Ces non-humains disparus mystérieusement en laissant le réseau des grandes portes. Honteusement absent du catalogue J’ai Lu tiens depuis sa dernière rééedition de 2008 ! Allo Houston !

l'homme dans le labyrinthe

Ou, plus subtilement, le fabuleux L’Homme dans le labyrinthe de Robert Silverberg. Odyssée Shakespearienne (la Tempête d’icelui en serait la figure tutélaire) sur une planète/ville piège pour exfiltrer un reclus volontaire redouté mais seul dépositaire d’un secret apte à sauver (ou pas) le genre humain.

Les réflexions métaphysiques et politiques qui émaillent ce texte, et son côté mission suicide addictive en font un must have rarement égalé ! Heureusement celui-ci est encore au catalogue !

Vivement la suite, Les Éternels the revenge ?

Donc le lecteur trouvera de quoi contenter moults plaisirs livresques. Les Éternels est un excellent divertissement. L’ambition, les révélations bien cryptées, le rythme endiablé souvent. Tout cela augure de suites que l’on espère du même niveau de plaisir et de suspens.

Car on est VRAIMENT laissé sur sa faim lors du cliffhanger final. Qui/que sont les Éternels ? Qui est à l’origine de leur perte ? Qui a envoyé le(s) message(s) ? Sans parler de la relation – c’est compliqué – Mia/Jules, qui, bon an mal an, est aussi réussite (si, si !).

les éternels

Mais il faudra bien prendre son mal en patience. Le tome deux étant annoncé en juin ! Youpargh !

Bref, vous l’aurez compris, ici on plussoie. Car mettre entre les mains d’ados ou d’adultes ce genre de bonne saga ne peut que convaincre les pisse-froids et autres contempteurs des littératures de genres, que celles-ci sont d’incroyables vaisseaux pour explorer le(s) monde(s) ! Donc, qu’importe le flacon pourvu que l’on ait LIVRESQUE !

Révérence et chapeau bas mesdames.

Marc-Oliver Amblard

Amie Kaufman et Meagan Spooner, Les Éternels, Gaia tome 1, traduit de l’anglais (USA) par Benjamin Kuntzer, J’ai Lu, novembre 2019, 411 pages, , 14,90 eur

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