Assassins ! Jean-Paul Delfino reviens sur l’assassinat de Zola

Emile Zola a-t-il été assassiné ? C’est la thèse que défend Jean-Paul Delfino dans son dernier livre Assassins !, au titre très explicite. Les biographes de Zola, et les ouvrages d’histoire littéraire, conviennent que l’écrivain est mort d’une « asphyxie accidentelle », due à un mauvais fonctionnement de la cheminée de son appartement à Paris. Rien à redire à cela, puisque ce genre de morts était, hélas !, fréquent à cette époque (1902), mal chauffée au charbon. 

Contre la version officielle

Mais cette explication très « officielle » n’est pas celle de l’auteur. S’il admire Emile Zola pour son œuvre, celle d’un des grands romanciers du XIXe siècle, et aussi pour sa personnalité de socialiste engagé, il ne méconnait pas le nombre et la virulence de ses détracteurs. Après avoir pris la défense de Dreyfus, dans un célèbre article du journal l’Aurore, intitulé « J’accuse », Zola devint la cible des groupes acharnés contre Dreyfus, avec une rage nauséabonde, pour la simple raison que Dreyfus était juif. 

Et Delfino d’échafauder le plan que « ces antidreyfusards au front bas, ces canailles sans intelligence, ces ligueurs de pacotille, qui n’existaient que pour casser du Juif, du métèque, du franc maçon et du protestant », ont ourdi en secret pour tuer discrètement Zola. Avec eux, plusieurs grands noms de ce temps, Déroulède, Maurras, Barrès, Drumont, et d’autres, patriotes ou monarchistes, d’extrême droite souvent. 

Zola de son côté sait pouvoir compter sur des soutiens, politiques et littéraires, mais les adversaires des Juifs, portés par des journaux vindicatifs, ont juré sa perte, à lui, ce fils d’immigré italien, ce plumitif qui, sous prétexte de naturalisme, a donné de la France du second empire, à travers ses romans, un tableau sombre, et a osé attaqué le clergé, les bourgeois, la famille. Quelle honte ! Bref, on est en plein « Affaire Dreyfus », et l’on sait quels débats haineux elle a provoqués. 

La machination fatale

Tout le livre de Delfino tourne autour d’une machination, qui, malheureusement pour Zola, atteint son but. Au fil des pages, il brosse de cette époque troublée un portrait sans concession, fustigeant les uns, célébrant les autres, et ouvrant au passage des brèches intéressantes dans sa vie personnelle plus secrète, ses deux amours vécus en même temps, ses enfants hors mariage, sa jeunesse difficile à Aix en Provence. Ainsi connait-on mieux Zola en refermant le livre, qui vaut déjà beaucoup sur le plan historique. 

Pour autant, il est bien spécifié que ce livre est un roman. Il s’agit donc d’une œuvre de fiction, et c’est ainsi que l’on doit la lire. Mais les Rougon Macquart aussi sont une œuvre de fiction, et le romancier sait toujours trouver dans le quotidien des jours, et la nature des hommes, la « réalité » de ses livres. 

On savait Jean Paul Delfino amoureux du Brésil et de la samba. Il fait entendre avec Assassins ! une toute autre musique, qui danse, elle, avec la mort, bien loin de Rio, ses plages et son soleil. A lire, donc, pour mieux connaitre, et aussi comprendre, les noirs soubresauts du début du siècle dernier, précisément quand « ce siècle avait deux ans ». 

Didier Ters

Jean-Paul Delfino, Assassins !, éditions Héloïse d’Ormesson, octobre 2019, 230 pages, 18 eur

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