Jean d’Ormesson, le der des ders

Un hosanna sans fin, le dernier livre de Jean d’Ormesson, est un texte très court, mais non moins intense, profond, et tourné vers le ciel.

« Grâce à Dieu, je vais mourir », c’est ainsi que le dernier roi soleil, comme l’appelle Sophie des Déserts, tire sa révérence, amenant, avec Un hosanna sans fin — expression empruntée à Chateaubriand, que l’académicien vénérait —, la dernière pierre à sa trilogie testimoniale, commencée avec Comme un chant d’espérance, et suivi du Guide des égarés, récit sur Dieu, lui et son œuvre, sur presque tout et sur quasiment rien. Pourquoi suis-je né ? Pourquoi vais-je mourir ? Sous prétexte d’enquête policière, et, surtout, métaphysique, Jean d’Ormesson nous emmène à la poursuite de fausses réponses à de vraies questions, qui ont habitées l’ensemble de ses livres, lui, l’enfant gâté, le romancier de la joie, persévérant, une vie entière et une œuvre entière à revenir obsessionnellement au seul vrai mystère de la vie, la très heideggerienne question de savoir pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien.

Nous mourons, c’est tout simple, parce que nous avons vécu. […] Autant que toute mort, et peut-être plus encore, toute naissance est une énigme. »

Petit récit d’espérance et de joie, fontaine de vie, le dernier livre de Jean d’Ormesson clôt avec légèreté et élégance une œuvre qui aura commencé à 31 ans sur la tonalité de l’amour, et se termine sur la grande question : que fais-je là ? Livre testament, livre sans fin, tentative, avortée bien évidemment, d’achever ce qui a été commencé, alors même qu’il savait pertinemment qu’une vie est toujours inachevée, traversée du mystère d’un pourquoi sans réponse.

Disons les choses avec simplicité, avec une espèce de naïveté : il me semble impossible que l’ordre de l’univers plongé dans le temps, avec ses lois et sa rigueur, soit le fruit du hasard. Du coup, le mal et la souffrance prennent un sens — inconnu de nous, bien sûr, mais, malgré tout, un sens. »

Et Dieu dans tout ça ? Voilà la dernière et ultime question de l’auteur de Dieu, sa vie son œuvre, qui dit croire en Dieu car le jour se lève tous les matins, parce qu’il a une histoire et qu’il se fait une idée de Dieu, et qu’il se demande d’où pourrait venir cela si ce n’est de Dieu. On croit entendre Descartes, à la lisière de la vie de cet amateur de philosophie, de joie, et de béatitude.

Le travail d’écriture aura débuté en juin 2017, et sa touche finale le 3 décembre suivant, c’est-à-dire pas moins de deux jours avant la mort de Jean d’Ormesson à 92 ans. « Sa mort, écrit Héloïse d’Ormesson dans un avertissement aux lecteurs, le 5 décembre, lui interdira de relire les derniers feuillets, comme il avait coutume de le faire », comme pour souligner que toute vie, tout travail demeure une œuvre inachevée.

Marc Alpozzo

Jean d’Ormesson, Un hosanna sans fin, Éditions Héloïse d’Ormesson, octobre 2018, 142 pages, 14 euros

Laisser un commentaire