Peuplecratie, l’Europe qui vient

Le drame de notre temps ?

Voici que les éditions Gallimard traduisent un petit brûlot qui a apparemment fait sensation au-delà des Alpes, Peuplecratie, de Marc Lazar et Ilvo Diamanti. Si ce dernier est un sociologue et politiste très connu en Italie mais jamais traduit en France, Marc Lazar est un professeur très connu grâce à son essai Le Communisme une passion française (Perrin, 2002) où il exposait que le communisme était « une passion totalitaire en démocratie ». Il s’est aussi beaucoup passionné pour l’Italie, publiant L’Italie à la dérive (Perrin, 2006), L’Italie sur le fil du rasoir (Perrin, 2009) où il y analysait les blocages du pays et les conséquences de l’ascension de Berlusconi. Avec Peuplecratie, le voici qui s’attaque avec son collègue Diamanti au populisme, cet objet politique mal défini.

Dis papa, c’est quoi le populisme ?

Les premières pages de leur essai reviennent sur un essai de définition d’un mot qui recouvre des phénomènes politiques très divers dans l’histoire : quoi de commun entre le poujadisme et le mouvement agrarien, le populisme russe ou le péronisme ? on peut relever le mépris ou la méfiance envers les élites et la démocratie représentative et bien sûr le leader, l’homme providentiel. Une définition en négatif donc.

Mais quid des populismes actuels, ceux qui défraient la chronique ? Celui d’Orban en Hongrie ou de Geert Wilders aux Pays-bas ?

Complexe réalité…

Si l’on suit Lazar et Diamanti, on trouve des populistes à droite comme à gauche, FN ou insoumis en France, Ligue et Mouvement cinq étoiles en Italie. Dans des nations au parcours différent comme l’Italie et la France, ces mouvements remportent des succès grâce à l’effondrement des cultures politiques traditionnelles et aussi grâce à … L’Europe. Les politiques austéritaires suivies sous l’impulsion de Bruxelles contribuent (c’est un euphémisme) largement à engendrer le populisme. Et quid des migrants ? Nos deux auteurs indiquent que le nombre d’entrées a baissé depuis l’année dernière mais beaucoup sont là et sont exploités par les leaders des partis populistes qui y voient des menaces.

Nos deux auteurs notent aussi, à la suite de Dominique Reynié, la montée d’une tendance « patrimoniale » dans les mouvements dit « populistes », qui les voient devenir des défenseurs de la protection sociale et de l’Etat-Providence dans un contexte de disparition de la social-démocratie. Sidérant quand on se replonge trente ans en arrière !

Et la Démocratie ?

Nos deux analystes arrivent à la conclusion suivante : le peuple est sacralisé par les populistes. Exit la démocratie représentative, vive la démocratie directe et les réseaux sociaux, où s’expriment par exemple les membres du mouvement cinq étoiles. Tragique illusion ! car il n’y a pas de débat, juste des affirmations et des insultes. L’internaute va vers les sites et les médias qui vont dans son sens. Le partisan de Beppe Grillo — qui reste le vrai leader de son mouvement — ne peut débattre avec un partisan du parti démocrate et de Renzi — qui, dans sa stratégie, a repris selon nos auteurs des tactiques expérimentées par Berloscuni et utilisées par nos populistes. Nous voici donc au stade où personne n’écoute l’autre, au fond.

Sommes-nous, dans le contexte déstructurant de la mondialisation, au sein d’une Union Européenne peu démocratique dans son fonctionnement, condamnés au populisme ? Et est-ce si mauvais en soi ? Ce livre aide en tout cas à y réfléchir.

Sylvain Bonnet

Marc Lazar & Ilovo Diamanti, Peuplecratie, Gallimard Hors-série Connaissance, traduit de l’italien par Christophe Mileschi, mars 2019, 192 pages, 19,50 eur

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