Le Passager, le parasitisme selon Patrice Réglat-Vizzavona

Le Passager de Patrice Réglat-Vizzavona commence sur un bateau, où deux solitaires partent s’éloigner du monde. Après un court séjour sur une île, Henri se retrouve seul, à la dérive, comme sorti d’un mauvais cauchemar. Remorqué par les garde-côtes, il débarque dans un port où son comportement va diamétralement changer. De solitaire, il devient le plus social des êtres, au point d’en être pénible ! comme s’il y était poussé…

l’hôte

Henri n’est que le véhicule d’un parasite, son hôte, qui le force à se socialiser pour lui permettre de se répandre, se reproduire. Patrice Réglat-Vizzavona est passionné par cette capacité parasitaire et il en fait le centre de son récit. Du moins, le centre supposé, parce que le récit en lui-même est un peu fouillis. On comprend bien qu’il y a des changements de comportement qui peuvent induire, a posteriori, que c’est le parasite qui décide de ci ou de ça. On comprend bien qu’il s’est passé quelque chose sur le bateau, ou bien sur l’île qui fut la première escale. Ou qu’il s’agit éventuellement d’un mauvais rêve créé par la solitude et l’alcool.

Mais ce n’est pas franchement marquant à la lecture. On comprend que le personnage principal, Henri, ne contrôle pas ses émotions et sa sociabilité, mais on est plus tenté de mettre cela sur l’alcool ou la belle jeune femme qu’il croise (du moins dans le récit, parce le dessin ne la rend pas du tout désirable…) plutôt que sur le compte de son hôte. C’est dommage, il y a une vraie belle idée sur la nature des liens sociaux, mais elle est mal exploitée.

un style en deux

Les dessins, lavis et gravures à l’eau-forte, sont déroutants. Les décors et paysages sont vraiment beaux, profonds. Les marines sont particulièrement réussies, le travail sur les reflets est somptueux. Mais malheureusement les personnages sont bien moins réussis, les visages et les attitudes n’envoient pas la même émotion. Et la belle jeune femme qui fait chavirer Henri est franchement laide… La beauté des paysages est ainsi gâchée.

Malgré de vraies qualités graphiques, le défaut de cet album, c’est la proximité immédiate avec Aliens, le huitième passager — Alien se traduit d’ailleurs par passager clandestin. La créature qui habite Henri ressemble trait pour trait à la première incarnation de celle créée par HR Giger. Et au final on regrette que Patrice Réglat-Vizzavona ne se soit pas démarqué plus clairement du légendaire xénomorphe !

Loïc Di Stefano

Patrice Réglat-Vizzavona, Le Passager, Warum, mai 2019, 156 pages, 22 eur

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