La guerre froide de la France, le grand jeu tricolore

L’historien des relations internationales

 

Professeur pendant des années à l’université Paris IV, Georges-Henri Soutou a publié finalement peu d’ouvrages mais tous ont marqué l’historiographie. En 1989, il a publié L’Or et le sang, les buts de guerre économiques de la Première guerre mondiale (Fayard, 1989), somme sur la gestation des objectifs de chaque camp. Ce fut ensuite L’Alliance incertaine, les rapports stratégiques franco-allemands (1954-1996), toujours chez Fayard, qui marqua la recherche sur la naissance et la vie parfois difficile du fameux couple franco-allemand. Sur la guerre froide, il a publié une somme, La Guerre de cinquante ans (Fayard, 2001), puis est revenu sur la Grande Guerre avec un livre magistral, La Grande illusion, quand la France perdait la paix (Tallandier, 2015) qui a remporté un certain succès public. Il revient ici avec La Guerre froide de la France, qui parachève ses travaux antérieurs.

 

Le jeu singulier de la France

 

Avec brio, Georges-Henri Soutou identifie bien comment la France, membre à part entière de l’Alliance Atlantique, a « joué » la guerre froide. Face à un conflit idéologique, elle a cherché à créer une « double sécurité », instaurant avec Moscou une relation particulière, sorte d’assurance vie sur la renaissance militaire d’une Allemagne contre laquelle la France venait de mener trois guerres en moins d’un siècle, tout en restant dans le camp occidental, garantie contre l’expansionnisme soviétique. Avec beaucoup d’aléas, la France mènera cette politique jusqu’à la chute du mur, puis de l’URSS.

 

Une position confortable et déterminante

 

Finalement, notre professeur démontre que la France s’en est très bien sorti, surtout si on compare avec le désastre diplomatique qui suivit la Grande Guerre. Elle a su s’imposer comme un interlocuteur incontournable, malgré une situation intérieure compliquée par la présence d’un fort parti communiste et les problèmes de la décolonisation (l’Algérie surtout). Si elle a échoué à défaire la logique des blocs, elle réussit lors de la conférence d’Helsinki à imposer la troisième corbeille, celle des droits de l’homme (grâce à Giscard), qui empoisonna les dernières années du bloc communiste. En conclusion, Georges-Henri Soutou note que si la France n’a pas gagné la guerre froide, elle ne l’a pas perdue. On note aussi combien la position française est désormais plus fragile depuis 1991, dans un monde multipolaire, néolibéral.

Voici un ouvrage passionnant, écrit dans un style clair et pédagogique, une habitude chez Georges-Henri Soutou. Magistral.

 

Sylvain Bonnet

 

Georges-Henri Soutou, La Guerre froide de la France, Tallandier, avril 2018,  592 pages, 25,90 €

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