Le dernier jugement des templiers, la fin d’un idéal

Plus de sept siècles après leur dissolution, les templiers continuent de fasciner le public. Leurs anciennes commanderies sont des toujours visibles en France, en Espagne et même à Chypre à Limassol. On leur prête d’être les lointains ancêtres des francs-maçons. Avec Le Dernier jugement des templiers de Simonetta Cerrini, on en revient à l’événement même : pourquoi furent-ils dissous ? Comment ont-ils été jugés ?

 

Intellectuelle et historienne italienne

Née à Milan, Simonetta Cerrini a fait des études d’histoire en Italie et en France. Elle a soutenu en 1998 une thèse appelée « Une expérience neuve au sein de la spiritualité médiévale. L’ordre du Temple (1120-1312) : étude et édition des règles latines et françaises ». De sa thèse elle a tiré la substance d’un livre, La Révolution des templiers (Perrin, 2007) où elle étudiait les neuf manuscrits subsistants de la règle de l’ordre. Quelle était la révolution en question ? Les Templiers étaient à la fois oratores et bellatores, c’est-à-dire qu’ils prient et qu’ils combattent. Le Dernier jugement des Templiers est une suite de son ouvrage et part au fond d’une autre question : à quoi allait servir les Templiers début XIVe siècle, alors que l’ère des croisades était révolue ?

 

L’obsession de Philippe le Bel

A la base de la persécution des Templiers il y a un homme : le roi de France Philippe le Bel. Au-delà des rumeurs selon laquelle Philippe voulait mettre la main sur les trésors du Temple, Simonetta Cerrini avance une autre hypothèse dès l’introduction :

 

L’historien Julien Théry perçoit chez le souverain qui poursuit le Temple en justice la revendication d’un nouveau rôle pour la monarchie capétienne, en quelque sorte, la “pontificalisation” de la royauté, ou de substitution, dirai-je, à l’intérieur des frontières de son propre royaume, de la fonction du pape. »

 

Le règne de Philippe le Bel a été marqué par des conflits violents avec le pape Boniface VIII. Ses successeurs ont eu ensuite à cœur de rétablir des relations de confiance avec le roi de France. Philippe affirme donc son pouvoir de défenseur de la foi en combattant des templiers dont le rôle militaire est en déclin, tandis que leurs fonctions financières s’accroissent. En face le pape Clément V est dans l’embarras. Car plus la procédure avance, plus Rome s’aperçoit que les accusations de blasphème n’apparaissent qu’en France. Il n’y a rien dans le reste de l’Europe. Face à la pression politique (voire militaire) de Philippe le Bel, le pape hésite.

 

La dissolution pour sauver la chrétienté ?

 

Au fond, la lecture de l’ouvrage de Simonetta Cerrini est un exercice de « realpolitik ». La papauté et la curie ne croient pas à la culpabilité des Templiers. Si le pape souhaitait la fusion avec l’ordre de l’Hôpital, il doute beaucoup de leur impiété et de leurs aveux arrachés sous la torture (même si ses tribunaux l’ont autorisé). Autour de lui, des prélats demandent à ce que les frères puissent se défendre et s’expliquer. Mais comment s’opposer à un roi de France ? surtout que la question des biens est prégnante :

 

Comment est-il possible que l’écrasante majorité des Pères conciliaires, qui voulait permettre aux Templiers de se défendre, ait été battue par une minorité ? La réponse est apportée par le pape : leur accorder le droit de se défendre aurait signifié perdre un temps précieux et risquer “la perte totale, la ruine et la dilapidation des biens du Temple”. L’aspect matériel aura prévalu sur les personnes comme sur le droit. »

 

Et le pape transigea donc avec le réel : il prononça la dissolution de l’ordre, malgré les services rendus depuis plus de deux siècles. Les rétractations puis le silence de son grand maître, Jacques de Molay, n’aidèrent pas non plus l’ordre. Cet ouvrage, revenant sur un mystère de plus de sept siècles, plein d’érudition, écrit avec clarté, avivera la fascination d’un important public d’amateurs.

 

Sylvain Bonnet

Simonetta Cerrini, Le Dernier jugement des templiers, traduit de l’italien par Françoise Antoine, Flammarion, « au fil de l’histoire », octobre 2018, 384 pages, 23,90 euros

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