L’armée imaginaire, les soldats prolétaires dans les légions romaines au dernier siècle de la République

Un historien éclectique

Ancien élève de l’ENS, François Cadiou est actuellement professeur d’histoire romaine à l’université Bordeaux Montaigne. Il a déjà publié des ouvrages marquants dans leur domaine de recherche : Comment se fait l’histoire, pratiques et enjeux (La Découverte, 2011) et Les Armées romaines et la conquête de l’Hispanie 218-45 av. J.C (Casa de Velazquez, 2008). Avec L’Armée imaginaire, il se propose de revisiter les guerres civiles romaines via la question du recrutement des légionnaires.

Professionnalisation ou non de l’armée romaine ?

Traditionnellement, l’historiographie attribue à Marius, le premier des imperatores et oncle de César, la décision d’ouvrir le recrutement des légionnaires aux prolétaires, grâce à une phrase de Salluste. Auparavant, Rome recrutait ses soldats via des levées périodiques de citoyens, inscrits sur des listes. À la fin du IIe siècle avant J.C, Marius, confronté à l’urgence, avait ouvert le recrutement mais il n’était pas le premier :

[…] on admet volontiers que Marius s’était contenté de reproduire un appel à volontaires dont le modèle était notamment celui de Scipion l’Africain en 205 et surtout celui de Scipion Emilien en 134. »

Rien de si nouveau donc, selon François Cadiou. Et surtout cela n’aurait pas changé si profondément le recrutement des soldats romains…

Une armée de citoyens dans les guerres civiles

François Cadiou reprend toute la documentation disponible, compulse les textes, relit Appien, Dion Cassius, César, Salluste, Cicéron. Or, il apparaît selon lui que le déclin du citoyen-soldat et  la montée des armées de prolétaires mercenaires, dévouées à leurs chefs, est loin d’être évident. Cicéron parle dans ses textes de levées de citoyens jusque dans les années -40. Ni les sources, ni l’épigraphie ne permettent de trancher nettement dans un sens ou un autre. Le passage à une armée de professionnels, effectif sous les julio-claudiens, est lent, très lent…

Il n’empêche que ce livre de François Cadiou remet en cause des lectures traditionnelles sur le déclin de la République, de la fin de l’idéal du citoyen-soldat, qui en dit long sur les idéologies animant certains historiens du passé : citons Jérôme Carcopino, éphémère ministre vichyste, qui y voyait un signe de décadence, et le grand Claude Nicolet qui y voyait la fin d’un idéal politique.

Voici un essai stimulant !

Sylvain Bonnet

François Cadiou, L’Armée imaginaire, Les Belles lettres, collection « mondes anciens » janvier 2018, 488 pages, 29,50 €

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