Babybox : quand l’adoption devient un émouvant voyage.

Avec Babybox paru chez Soleil, Jung renoue avec une histoire de racines et de Corée.

Babybox de Jung

La collection Noctambule chez Soleil, accueille le nouveau roman graphique de Jung  » Babybox ». Depuis le beau succès de ses albums autobiographiques « couleur de peau miel « , l’auteur belge d’origine coréenne, a laissé maturé la suite de son oeuvre. Et le résultat est à la hauteur de l’attente !

Il faut dire que le succès lui avait permis une adaptation très réussie en film d’animation (la bande-annonce ici). Son dessin animé fut même logiquement primé au festival d’Annecy en 2012. Il reçut également le prix du public de l’Unicef pour cette histoire autofictionnelle bouleversante. Rien moins que celle de son adoption dans les années 60 en Belgique. Avec deux « vrais » noms Jun Jung-sik et Jung Hénin, il nous livre alors un parcours entre amertume et résilience.

Une boîte et un secret

Cette fois , le personnage de Claire, même s’il est inspiré d’une histoire réelle, reste une oeuvre de fiction. Mais avec au coeur, toujours, cet irrépressible besoin d’un retour aux racines pour beaucoup d’adoptés

Mais contrairement aux premiers opus de Jung, ici, la jeune femme vit dans une famille qui lui ressemble. Ses parents, comme elle, sont coréens. Son petit frère, l’attachant Julien, lui ressemble même. Et le restaurant familial, tourné vers les spécialités, les racines de la famille en extrême orient, tourne dans une belle routine. Une belle ambiance. Un bonheur serein.

Mais (attention Spoiler !) un drame de la route bouleverse ce petit monde. Et sa mère, qui était si proche d’elle, lui lègue, en plus de la douleur de la perte, un secret bien caché. Dans une boîte, la première de l’histoire, le passé explose soudain ! La vie est trompeuse parfois…Et son père, plongé dans le coma, ne peut répondre à toutes les questions qui se bousculent en raz-de-marée dans sa tête ! Mais à qui la faute ?

En un instant, comme un missile qui serait venu détruire notre maison, j’ai tout perdu, tout ce que j’avais comme repères, tout ce en quoi je croyais.

Les racines, toujours

Les ruelles de Séoul

Alors pas d’autres choix pour Claire que de partir en Corée. De voir sa famille, sa tante, son cousin. Tenter de dénouer les fils de la mémoire enfouie. Car, souvent, maintenant elle en est sûr, sa mère a voulu lui dire cette souffrance qui semblait, parfois, peser sur elle. Elle est adoptée !

Malgré son frère Julien, en mode huluberlu entiché de Braveheart et donc fan d’Écosse et de kilt (!), elle explore alors les obscurs cheminements de l’abandon. Car le choc est bien là, fort à étouffer, à reprocher aux parents, aux ancêtres, un mensonge. Une trahison.

Ma vie est comme un livre dont plusieurs pages seraient devenues blanches…

La babybox, une chance et une mémoire

Et bientôt, la chance sera là. Bien sûr, il y a une succession de chocs, tout d’abord. Car nul ne se confronte à des souvenirs honnis sans se brûler un peu. Beaucoup, même. Mais, sans qu’elle s’y attende aussi, sous les poids des secrets, le tortueux des ruelles, se nichent des rédemptions. Et des rencontres. Des adresses rares et magiques de sens. Des boxs secrètes.

Alors, le souvenir, la faute, se transforme en devenir. En futur et en ouverture. Vers une acceptation, porteuse de vie. Le secret, même bien profondément enfoui, peut être parfois comme une source. Celle que l’on a cherché en creusant si profond, que, forcément, on y a trouvéquelque chose.

La babybox est sur ma droite, je n’ose ni la regarder, ni l’ouvrir…Mon Dieu, que suis-je venue faire ici ?

la sublime page 3

Un graphisme comme ligne de vie

Et, cerise sur le gâteau, Jung nous offre dans ce livre intimiste, un jeu graphique parfait. En renouvelant complètement son univers, il a su habillé son album d’un habit sépia et noir & blanc pertinent et puissant. Une puissance entrecoupée, par des pleines planches où surgissent des noirs profonds et, surtout, ce rouge magistral, fil d’Ariane du dessin. Claire, rousse, par lubie et contrepoint à ses origines, porte en elle aussi ce carmin si particulier. Qui l’obsède depuis l’enfance. Quand sa mère, un jour, faillit lui révéler son fameux secret. Au milieu d’un champs de coquelicots, lors d’un après-midi sublime. Mais il y a faillir et faillir…

Et de cette scène, de ce marqueur mémoriel, comme la scène mythique du film « la jetée » de Chris Marker, Jung dessine une veine. De celles qui palpitent, font saigner mais donnent la vie aussi.

Merci M. Jung, vos boîtes imbriquées m’ont bouleversé. Elles ont su me parler, et m’ouvrir, aussi. Révérence et chapeau-bas !

Peut-être aurons-nous un jour la chance de nous retrouver ?…

Marc olivier Amblard

Jung, Babybox, collection Noctambule, Éditions Soleil, 19€99

Babybox, la bande-annonce vidéo

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