L’Homme qui voulait devenir psychopathe

Victor Bourgeois n’est rien ni personne. Insignifiant, pour les siens comme pour ses élèves. C’est en pénétrant chez ses voisins, deux alcooliques qui se finissent aux grands crus dans leur pisse, qu’il entrevoit un avenir. Et si, pour sortir du néant, il tuait ? Ainsi s’ouvre la voie à un avenir nouveau et glorieux ! Il sera célèbre ! C’est tout le programme de L’Homme qui voulait devenir psychopathe de Laurent Malot !

Tuer n’est pas si facile !

La grande affaire de Victor, c’est de tuer. Mais pas n’importe comment. Pas n’importe qui non plus. C’est un homme précis, et il a un objectif : réussir à convaincre la belle Lieutenant Majka qu’il est un danger pour la société et qu’il doit être arrêté — après avoir fait la Une des gazettes, bien sûr. Car c’est cela qui le motive : devenir quelqu’un aux yeux des autres, lui qui n’est pour ainsi dire rien aux siens propres. Seul son perroquet, Lady Mcbeth, le considère, mais c’est pour l’insulter !

Mais tuer n’est pas si simple. Il va d’abord devoir sortir de sa petite vie. Il cherche à entrer en contact avec un monde de violence qui lui est étranger. il va multiplier les expériences en espérant attirer l’attention, de sa famille, de ses collègues, de la police. Mais chaque fois c’est un échec, et chaque fois il va un peu plus loin. Jusqu’où ira-t-il ?

[…] il a conscience de s’éloigner du pré des gentilles brebis dans lequel il a brouté toute sa vie. »

un petit côté Walter White

Victor Bourgeois est professeur de chimie dans un collège où personne ne s’intéresse à lui ni à sa matière. Il a une petite famille disloquée et une femme qui ne lui donne aucun amour. Il essaie de changer de vie, en passant du neutre au criminel. Et il a un camping-car ! S’il manque le slip mythique, on sent quand même que Victor est assez proche de Walter White, le héros de la série Breaking Bad.

Une critique acide

Plus qu’un polar, L’Homme qui voulait devenir psychopathe est un roman très drôle mais qui surtout interroge sur la société où la vie des autres ne vaut que pour quelques minutes d’audimat, et puis rien. Par le rire, et quelques sentences bien placées (sur la presse, la politique, les événements de notre quotidien, etc.), Laurent Malot nous montre qu’un roman léger et amusant peut porter bien plus et être une vraie critique d’un des grands maux de la société actuelle : être connu ! La prédiction de Warhol comme une malédiction… Et Laurent Malot comme celui qui sait appuyer, en riant, là où ça fait mal.

Loïc Di Stefano

Laurent Malot, L’Homme qui voulait devenir psychopathe, French Pulp, septembre 2019, 194 pages, 19 eur

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