Les Fleurs rouges, 12 histoires de Yoshiharu Tsuge


Époustouflant de contrastes en narration et dessins

Dans la culture du manga, Yoshiharu Tsuge est une star dans le firmament japonais, précurseur de la bd autobiographique, une influence qui porte ses fruits encore de nos jours. Les Fleurs rouges est une superbe compilation de douze histoires qui, à l’instar de son auteur, n’ont pas pris une ride malgré leurs 50 ans.

Auteur très peu traduit, reconnaissons à Cornélius la riche idée et la force de persuasion de pouvoir l’éditer.

Ne vous fiez pas à la couverture, ces douze histoires sont monochromes. Elles traitent de divers sujets : la famille, l’amitié, l’amour, l’insouciance, la bonté mais aussi l’égoïsme, l’iniquité, la sauvagerie, la traitrise… Album consacré aux hommes et femmes, à part l’histoire « La Salamandre » qui évoque cet animal qui vit dans les égouts, abandonné et seul lieu qu’il n’ait jamais connu, histoire qui vous donnera des haut le cœur.

Les textes originaux ont été traduits, à part les onomatopées en japonais qui fleurissent sur les pages.

De Veillée funèbre en passant par Paysage au bord de mer et bien sur Les Fleurs rouges, l’ouvrage fini par une postface de Léopold Dahan qui décrit et nous remémore l’histoire de l’auteur au combien passionnante au travers notamment de la revue japonaise mensuelle Garo, spécialisée de bande dessinée et de l’avant-garde éditée de 1964 à 1992.

Morceaux choisis

Plein soleil

L’expédition de quatre hommes dans le désert qui tourne mal. Une tempête de sable cache un large cratère et leur voiture est propulsée au fond. Ils n’arrivent pas à s’en extraire et leur chauffeur meurt coincé sous leur jeep. Les jours se suivent et ils sont accablés par la chaleur. Et ce n’est pas avec un fond de gourde qu’ils vont pouvoir subsister longtemps.

La chance aurait pu tourner à deux reprises mais leur avidité, leur égoïsme et leur folie vont les conduire à une seule chose, creuser leur propre tombe.

Paysage au bord de mer

Un homme est en vacances en bord de mer. Il est seul sur la plage où il passe des heures à regarder la mer, loin de la fébrilité environnante. Il observe, en pantalon et ne parait pas vraiment à sa place jusqu’à l’apparition d’une voisine en bikini. Après un rapprochement inopiné, et malgré sa maladresse, de longues conversations s’enchaineront dans des lieux ou situations où ils se retrouvent comme seuls au monde. Yeux dans les yeux mais sans réels contacts, une complicité qui s’amorce mais sans avenir. Nous ne saurons pas, à moins de le décider nous-mêmes !

Saisissant d’humanité et de cruauté

Avec sa collection « Pierre » les éditions Cornélius nous on habitué au bonheur de découvrir des pépites. Les Fleurs rouges en est une à tout points de vue. Malgré son prix du meilleur album pour L’Homme sans talent à Angoulême (2005), Yoshiharu Tsuge n’est pas aussi connu en France que l’est Jiro Tanigushi, mais il n’est même pas pensable de les comparer en tout cas ils ont tous les deux un grand talent narratif sans égal.

Quelle joie de lire ces nouvelles qui paraissent comme animées ! on ressent de fortes émotions qui vont de la tristesse à la souffrance, de la surprise à l’incompréhension.

En termes de graphisme ou plutôt de dessin, le contraste est saisissant entre les personnages qui ont des traits minimalistes opposés aux décors beaucoup plus précis, détaillés avec un souci pour tendre vers plus de réalisme.

Cette ambivalence permet d’accentuer la narration et donne de l’intensité à chacune des histoires.

Un ouvrage à conserver, à rouvrir pour y dénicher de nouveaux détails qui donnent envie d’y revenir.

Xavier de la Verrie

Yoshiharu Tsuge (scénario & dessin), Les Fleurs rouges (Œuvres 1967 – 1968), traduit du Japonais par Léopold Dahan, Cornélius, « Pierre », février 2019, 256 pages, 25,50 eur

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