Le prince de Ligne, l’esprit des Lumières
Auteur d’une biographie du duc de richelieu (Perrin, 2022), Benoit Florin est un spécialiste du XVIIIe siècle et des Lumières. Il a choisi de raconter ici la vie d’un personnage haut en couleurs (et auteur de savoureux mémoires que je recommande), le prince Charles-Joseph de Ligne.
Un prince libre

Etonnant parcours que celui de Charles-Joseph de Ligne, héritier d’une famille au service des Habsbourg depuis des générations. Rapidement privé de sa mère, il grandit sans l’affection de son père qui prend toutefois garde à l’éducation de son seul héritier. Destiné au métier des armes, le futur prince de Ligne fait ses classes, apprend l’amour d’abord avec des jeunes hommes comme lui avant de découvrir ce qui sera sa grande passion : les femmes. Marié jeune à une aristocrate qu’il n’aime pas, le prince de Ligne se contente de lui faire des enfants… et d’enchaîner les conquêtes amoureuses. S’il se révèle un officier courageux, notamment durant la guerre de sept ans, Ligne a d’autres ambitions. A Vienne, il remplit les fonctions de chambellan. A Paris, dans ce royaume de France qu’il adore, Ligne devient un intime de la comtesse du Barry et bientôt… de Marie-Antoinette qui apprécie sa gaieté, son esprit. Avec la reine de France, Charles-Joseph de Ligne sait rester à sa place tout en ayant pour elle une affection qui durera jusqu’à sa mort.
De la Russie à la Révolution
Ce prince agnostique, pétri de l’esprit de son temps, drôle et léger pour cacher une certaine gravité, se cherche aussi un destin. Deux fois il part en Russie, soutient la tsarine qui l’apprécie un temps. Ligne pense-t-il s’établir là-bas ? Se voit-il plutôt comme un homme son empereur, Joseph II, cherchant à bâtir une relation privilégiée entre les deux empires ? Le bilan sera maigre, surtout au moment où éclate la Révolution qui entre 1792 et 1794, le prive de ses terres dans la future Belgique. Retranché à Vienne, en deuil de son fils aîné, Ligne sait garder son rang, distraire ses hôtes. Il retrouvera une vieille connaissance, Talleyrand, lors de l’occupation de Vienne en 1805 par Napoléon (qui le fascine) mais l’empereur François se méfie de lui. Survivant d’une époque révolue, Ligne meurt en 1814 pendant le congrès de Vienne après quelques bons mots passés à la postérité. Excellente biographie sur un personnage au fond très attachant.
Sylvain Bonnet
Benoît Florin, Le prince de Ligne, Perrin, janvier 2024, 432 pages, 25 euros