Stéphane Bourgoin revient sur le Green River Killer
Stéphane Bourgoin reprend un « classique » des tueurs en série mais propose, avec son étude sur The green river killer (parce qu’il se débarrassait des corps dans cette rivière Verte), aussi bien une étude sociologique qu’une étude sur un cas unique dans les anales des crimes en série.
Le produit d’un lieu de débauche
Gary Ridgway serait-il devenu le Green river Killer sans la Pacific Highway South, vers Seattle, lieu de transit qui devient surtout le lieu de la débauche humaine ? A partir des année 70, cet endroit attire tous les vices, à commencer par la drogue et les déchets humains à sa traine. Les bars à strip-tease poussent comme des champignons, et la prostitution complète le tableau, même si elle reste interdite à l’époque. C’est l’endroit idéal pour un homme qui a un compte à régler avec les femmes…
Gary Ridgay a l’habitude de boire en solitaire dans quelques bars, attendant le milieu de la nuit. Puis il devient le prédateur de Pacific Boulevard.Il cherche une fille seule, pour laquelle il serait un client ordinaire. Une fois la passe consommée, il l’étrangle et se débarrasse du corps… Il tuera 35 femmes rencontrées sur le Boulevard.
Une histoire hors normes
Parmi les faits qui font de Ridgway une vraie légende, signalons-en trois.
D’abord, malgré ses 49 victimes reconnues (et combien d’autres ?), Ridgway négocie avec le juge. Il promet d’expliquer chacun de ses crimes dans les moindre détails et de guider la police sur chacun des lieux où il a abandonné les corps, pour permettre le deuil des familles, et en contrepartie échappe à la peine de mort. Jamais un tel contrat n’aura été signé avec un tueur en série, dont la peine est commuée en prison à vie. Au grand dam des familles…
Ensuite, c’est Ted Bundy, autre « légende » des tueurs en série, qui va permettre son arrestation. Dans le couloir de la mort, il aide comme « profiler » le détective Robert Keppel, l’enquêteur chargé de cette affaire. C’est un fait inédit que d’utiliser l’expérience d’un tueur en série pour en coincer un autre, et sans doute une source du Silence des Agneaux…
Enfin, les aveux filmés de Ridway à la police de Seattle sont les premiers d’un tueur en série. 500 heures d’enregistrement pour plonger au coeur de l’horreur méthodique et froide, mais aussi un matériau extraordinaire pour l’étude des tueurs. Pour l’aider à tout évacuer, les policiers ont l’idée de le faire devenir deux, le Gary d’aujourd’hui et « l’autre » Gary, qui serait seul responsable. Ainsi, Ridgway, presque déculpabilisé, va raconter…
Un employé modèle
Ridgway choque aussi par le contraste entre sa vie et ses vices. C’est un employé modèle, qui peint les décor sur les camions Kenworth, une autre légende américaine. Mais parfois il gardait quelques corps avec lui, et leur rendait visite pendant ses pauses. Employé consciencieux, irréprochable, il est froid et méthodique, ce qui se retrouve lors de son procès. Il faudra attendre les longues plaintes des familles, 10 minutes chacune, pendant 3 longues heures, et le pardon de la dernière, pour qu’il réagisse enfin, en humain. Alors il prend la parole et présente des excuses, incroyables, mais sincères.
Employé ordinaire et voisin ordinaire. Même s’il charriait ses cadavres en pleine journée, chez lui, alors qu’il vivait avec sa femme et son fils. Il attire des femmes chez lui, pour une petite passe rapide, puis les tue. Horreur, quand cette employée qui le suit parce qu’elle a besoin d’argent. Elle le prévient qu’elle doit rentrer retrouver sa fille de 4 ans, mais Ridgway, blessé parce qu’elle « n’avait pas de temps pour [lui] », il la tue, dans le lit conjugal. Puis il s’adonne à des actes nécrophiles, considérés pour lui comme des actes de domination. Le rapport avec son enfance est aussi évident, il souffre d’énurésie et sa mère lui lave le pénis jusque tard dans son enfance…
C’est seulement 20 ans après l’apparition des premiers corps que le Green River Killer va être arrêté ! Plusieurs fausses pistes et l’inexpérience de la police devant un tel cas, même s’ils sont alertés par le souteneur d’une des filles et, retrouvant Ridgway par son pick-up, partent après avec discuté avec lui, persuadé qu’il ne pouvait pas être ce monstre.
« Fuck them all »
Le cas Ridgway est typique. Sans amour, il considérait les femmes comme des déchets et s’en débarrassait après usage. Il en faisait des tas, des « grappes » de 5 ou 7, qu’il retournait voir de temps en temps. Mais de ses victimes, durant sa carrière de tueur ou durant le procès, il n’en aura selon ses dire « rien à foutre ». Sa froideur n’aura qu’une faille, à la fin de son procès, quand agonit de témoignages et de la tristesse des familles, il versera ses premières larmes.
Comme à son habitude, Stéphane Bourgoin sait nous faire entrer dans cette machine diabolique. Gary Ridgway, qui considérait les femmes comme des déchets, qu’il tuait de ses mains, et visitait plusieurs fois après, est le mal incarné. Accrochez-vous !
Loïc Di Stefano
Stéphane Bourgoin, The Green River Killer, French Pulp, Serial Killer #2, mai 2019, 136 pages, 16 eur