Le Monde des fous est infini, polar de flic

Flic un jour….

50 ans, dont 18  « dans la boîte » comme ont dit, vous comprendrez que cela laisse des traces. Poli Gyronnase (rien que le pseudo me faisait sourire), est un dur, un bonhomme, de celui qui en a vu plus que la majeure partie de la population. Un flic quoi. Et après son départ à la retraite hors de cette institution dans laquelle il ne se reconnaît plus, il a décidé d’écrire. Mais pas façon « vis ma vie de flic », non. Il décide d’écrire pour distraire, faire rire, pleurer, mais tout en restant digne et collant avec cette réalité qu’il a vécue pendant tant d’années. Et ce sera Le Monde des fous est infini.

Un rythme effréné, des histoire vraies dans l’histoire imaginée

Il est question d’un ancien flic parti à la retraite (tiens donc..) qui, avec sa femme dont il est fou amoureux, afin d’arrondir une pension de retraite insuffisante, prépare un casse.

Tout est mis en scène, tout est calculé. L’histoire est complètement dingue, mais en même temps tellement réaliste que l’on sait que presque tout est vrai ! L’ex flic devenu braqueur et qui a écrit un recueil de nouvelles qu’il fait lire à son épouse alors qu’ils prennent la fuite…

Nous plongeons donc avec elle dans les instants volés de sa carrière, s’enchaînant telle une vacation de police secours, où l’enquêteur passe du rire aux larmes, avec en prime les blagounettes de flics qui s’extirpent de l’horreur à leur façon par le rire. 

Un écho dans ma nuit

J’ai lu d’une traite, par solidarité entre flics, me direz vous… Et bien non! J’ai été happée dans cette histoire, dès le début, Poli ne nous laisse aucun répit, on récupère notre esprit disséminé façon puzzle après avoir terminé la dernière page. 

Chaque chapitre est poignant, j’ai revécu des moments douloureux que je continue à vivre avec la même intensité, j’ai ri des blagues de mauvais goûts mais qui nous empêchent de nous effondrer lorsque l’on doit faire face à la peine d’une mère qui vient de perdre son fils, et j’ai réfléchi lorsque Poli décrit les raisons pour lesquels son personnage a quitté ce travail de toute une vie, de toute une passion.

Tout y est, sans pleurnicher, avec dignité, humour, et même s’il s’en défend, avec amour de son métier. 

Et franchement, Starshit et Teuch, c’est quand même magique comme référence….

Poli, juste entre nous, ça fait longtemps que ton record des 12 secondes pour enlever les menottes est battu… mais reviens t’entraîner ! Tu seras accueilli avec plaisir.

© Poli Gyronnase

Entretien

Bonjour Poli, tout d’abord, pourquoi garder l’anonymat ? 

Bonjour, je n’ai pas souhaité écrire un livre en donnant mon identité pour des raisons de sécurité. Vous n’êtes pas sans savoir que les policiers et leurs familles sont victimes de violences et de menaces de la part de délinquants sans scrupules. Aussi ai-je préféré écrire sous un pseudonyme en ma qualité d’ex-policier. 

Cette nouvelle identité, je la voulais symbolique. Je souhaitais m’attribuer un nom qui mélangeait le monde des truands et des policiers. Ce pseudonyme devait aussi sous-entendre un disfonctionnement de l’institution policière. C’est mon ami Anthony qui a trouvé mon identité littéraire, après seulement deux bières fraiches autour d’une piscine (lol).  

  • Poli est le prénom (phonétique) du patron des voyous dans le film « Les affranchis » de Martin Scorsese. 
  • Gyronnase est la symbolique d’un gyrophare qui ne fonctionne plus du tout (un gyrophare nase). Poli Gyronnase est également l’anagramme de ma réelle identité… 

Ce roman parsemé d’anecdotes de moments de police, est-ce une façon de laisser une trace de cette carrière ? Ou sont-ils tout droit sortis de votre imagination ?

J’ai tout d’abord rédigé des nouvelles. Il s’agit de plusieurs histoires policières tirées de faits réels. Elles sont racontées par un vrai flic en exercice. Le fait de les poser sur la table incite le lecteur à découvrir ce métier autrement. En effet, cette profession est loin d’être celle que j’entends dans les médias. Le lecteur peut se faire une idée différente de ce métier grâce à des récits venants « de l’intérieur ». Les émotions, les sensations, les situations comiques et tragiques narrées dans ce livre peuvent ouvrir à la réflexion sur cette profession atypique, mais également sur notre société. Certaines nouvelles sont néanmoins romancées. 

J’ai souhaité introduire ces petites histoires dans un contexte imaginaire et dramatique : celui du policier qui prendra la décision de « s’en sortir » en participant à un braquage avec son épouse. Vous l’aurez compris, mon livre est un mélange de fiction et de réalité. Chacun y trouvera sa vérité… 

Envisagez-vous une suite ? Un autre sujet, un contexte différent ?

Bien entendu, j’envisage une suite. J’écris actuellement d’autres nouvelles bien plus accès sur les difficultés psychologiques du métier de policier.  Mais je suis également sur un projet de co-écriture d’un roman avec une autrice en devenir. Affaire à suivre…

Aujourd’hui vous travaillez au sein d’une compagnie d’assurance, le terrain ne vous manque-t-il pas ?

Bien entendu mon métier de policier me manque. De temps à autres, pendant une fraction de seconde, c’est le côté « extraordinaire » de ce job qui peut me manquer. Il est vrai que cette profession vous propose d’entrer dans tous les univers de la société et de pénétrer les âmes humaines, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C’est un métier envoutant, il peut prendre la forme d’une drogue douce au départ et se transformer en drogue dure. 

J’ai su me sevrer et ne plus chercher les montées d’adrénaline. Pour se faire, j’ai mis en face de « ces recherches de plaisirs individuels », les visages de mon épouse et de mes filles. 

© Poli Gyronnase

Au fait, avez-vous un chat ?

Oui, aujourd’hui j’ai une chatte de 10 mois qui s’appelle Praline et je ne voudrais surtout pas qu’il lui arrive quelque chose. Lorsque j’ai terminé et pris la décision d’auto éditer mon livre Le Monde des fous est infini en novembre 2019, ma chatte Loulou était encore de ce monde. Elle était ma béta-lectrice, elle marchait sur les touches de mon clavier quand elle trouvait que mes textes manquaient de pertinence. Je l’embrasse fort, elle nous manque énormément…

Avez-vous quelque chose à dire à nos lecteurs avant de nous quitter ?

Je voudrais dire à mes lecteurs que ce métier de policier est très complexe à expliquer et donc à comprendre. Il faut le vivre pour pouvoir se faire une « toute petite idée ». Voilà pourquoi j’ai écrit mes histoires, pour tenter de transmettre certains choses, de l’intérieur. Cette profession n’est surtout pas binaire comme on pourrait souvent le croire. Dans chaque « camp », il y a des gentils et des méchants. Nager en eaux troubles est le sport journalier du policier mais il a intérêt à garder la forme physique et psychologique pour ne pas couler.

Je trouve que c’est un métier très beau et très noble. Pourtant, le nombre de suicides de policiers et de gendarmes ne cesse de croître chaque année… 

propos recueillis par Minarii Le Fichant

Poli Gyronase, Le Monde des fous est infini, Librinova, 195 pages, 14,90 eur

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