Le sire de Gouberville, dans l’intimité d’un gentilhomme normand du XVIe siècle

Une historienne de la vie privée

 

Originaire d’Isigny, chercheuse au CNRS, Madeleine Foisil (1925-2016) a aussi été chargée de cours à la Sorbonne. Proche d’Emmanuel Leroy Ladurie, elle publie en 1981 cette étude consacrée au sire de Gouberville (1521-1578) chez Aubier. Gouberville est un quidam, un inconnu de l’histoire, exhumé de l’oubli par son livre de raison, journal où il notait chaque événement de la journée de manière factuelle. Ce faisant, Madeleine Foisil se concentre sur une histoire de la vie privée, domaine longtemps peu étudié par les historiens jusqu’à ce que Philippe Ariès en révèle la profonde richesse. Alors qui était Gilles, le Sire de Gouberville ?

 

Un seigneur normand

 

De noblesse encore récente, Gilles de Gouberville hérite du manoir de son père et de la majeure partie de ses terres (en tant qu’aîné il a dû partager avec ses frères). Détenteur d’un office royal, il n’est pas pour autant un homme riche. A partir de son livre de raison, Madeline Foisil décrit un seigneur qui met la main à la tâche et travaille avec les paysans, épousant certaines de leurs peines. Il est aussi le témoin de drames, comme de la mort de Martin Birette, blessé mortellement au pied.

 

page manuscrite du « Livre de raison », journal de Gilles de Gouberville

 

Face à la vie et face à la mort

 

Trop pauvre pour se marier, Gilles de Gouberville a pourtant une vie amoureuse qu’il cache à demi : « il est aussi secret sur les « conjonctures passagères », les amours de rencontre, qui se sont situées en marge du mariage. Qui sont les mères de Tassine et Jacqueline « mes filles naturelles » qu’il couche sur son testament le 2 janvier 1578 : servantes-maitresses, villageoises, femmes plus proches de son rang social ? » On en déduit que l’emprise de l’église n’était pas aussi forte qu’on ne le pense même si Gouberville, témoin des débuts des guerres de religion, s’affirme catholique.

 

La mort, il la fréquentera souvent, veillant ses proches, comme ses sœurs quand elles tombent malades. D’un livre de raison, Madeleine Foisil tire un portrait plein de vie d’un homme du XVIe siècle. Elle en étudiera un autre ensuite, celui d’Héroard le médecin de Louis XIII. Il y a là une manne à exploiter et à analyser. Un bel ouvrage.

 

Sylvain Bonnet

 

Madeleine Foisil, Le Sire de Gouberville, Un gentilhomme normand au XVIe sièclepréface de Nicolas Le Roux, postface de Pierre Chaunu, Flammarion, « champs », avril 2018, pages, 13 euros

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