Le soleil des Phaulnes, l’adieu de Thierry Di Rollo à la science-fiction
Un auteur phare du genre
Auteur de romans très réussis et très noirs, citons par exemple Drift (Le Bélial, 2014) ou Le temps de Palanquine (Le Bélial, 2017), Thierry Di Rollo publie depuis plus de vingt-cinq ans romans et nouvelles à un rythme plutôt régulier. C’est un écrivain qui ne fait pas de concessions et qui propose des anticipations glaçantes qui montre jusqu’où les tendances actuelles néo-libérales peuvent mener l’humanité. Le Soleil des Phaulnes est, comme il l’a annoncé, son dernier roman.
Une femme et son peuple
Faisons connaissance avec le peuple des Phaulnes sur la planète Gobo. Ce sont des humanoïdes, plutôt paisibles qui vivent leur vie loin de la civilisation galactique. La jeune Griddine parcourt ainsi les étendues sauvages de Gobo sur le dos de son war-lizzard, à la recherche de proies qu’elle ne tue pas toujours. Elle a comme ami et amant Soem. Un jour ils seront un couple… sauf que la Garmak, une multimondiale, est en train de pomper l’hydrogène du soleil de Gobo. Menacés d’extinction, les Phaulnes doivent être évacuées, perspective qui n’enchante guère Griddine. Elle se promet de se venger…
Un roman d’une puissance rare
Le soleil des Phaulnes secoue, ami lecteur. On est ici rapidement immergé dans une histoire qui rappelle d’autres peuples déplacés dans notre monde au nom de l’exploitation des ressources naturelles. On est placé devant le spectacle du capitalisme le plus sauvage et le plus hypocrite : les Phaulnes sont évacués… pour servir de main d’œuvre bon marché. Le personnage de Griddine nous émeut enfin. Dure, hantée par son passé, elle réussit au final à atteindre son but, de façon originale. Notre héroïne retrouvera même Soem (sans que cela sombre dans le sentimentalisme : Di Rollo est grand). On laissera donc la parole aux personnages (et à l’auteur) :
Ne dis rien, écoute-moi. Te souviens-tu du dernier soir ? Et de ce que je t’ai dit ? Le Phaulne hocha la tête, bouleversé.
Oui, très bien. Tu m’as dit : chut ! écoute. Le monde vibre de vie, et l’amour que tous les êtres font, ici, ailleurs, au bout de l’univers, s’ajoute à cette ronde magnifique. Nous sommes, Soem, intensément, pendant une courte éternité. Et puis, nous redevenons fragiles. Provisoires. Écoute encore. » Je n’ai jamais oublié. Griddine se serre contre lui, maintenant, chuchote à son oreille : « Alors, écoutons toujours, jusqu’au bout de notre temps, mon âme. » Et c’est ce qu’ils font, là, sous le soleil à jamais protégé de Namur, l’un pour l’autre. L’un avec l’autre.
Désespéré mais tendre, métaphore de notre monde, Le soleil des Phaulnes est un roman indispensable. Et bravo à Manchu pour sa couverture : il s’est surpassé.
Sylvain Bonnet
Thierry Di Rollo, Le soleil des Phaulnes, Le Bélial, couverture de Manchu, février 2022, 304 pages, 14,90 eur