Lettres à l’inconnue d’Antoine de Saint-Exupéry
Alors qu’il est en Algérie de retour de New York, et pour s’engager dans le conflit, Antoine de Saint-Exupéry rencontre une jeune femme dans un train. Que s’est-il exactement passé ? Un lien s’est tissé entre eux, une discussion, et l’écrivain lui adresse quelques lettres, ces Lettres à l’inconnue, accompagnée dans cette édition par un choix de lettres qui. Que vaut l’auteur du Petit prince dans son intimité ?
« Je n’aime pas le climat intérieur qui a remplacé mon printemps »
Antoine de Saint-Exupéry écrit des lettres, à sa manière, poétiques et dessinées. Celles qu’il adresse à cette jeune femme croisée dans le train n’y déroge pas. De son écriture qui penche, accompagnée de ses petits dessins si reconnaissables, il écrit non pas leur histoire mais l’après. Ils ont échangé leur coordonnées, et le poète attend qu’elle vienne le voir. Le ton des lettres entre que, malheureusement, il faut croire que non, car c’est peu à peu la tristesse qui prend le pas. La tristesse, ou la mélancolie,
Saint-Exupéry expose l’avancée du sentiment d’une attente trop espérée et qui se résout en rien. L’espoir n’aura duré que le moment d’une fugace rencontre. Mais la déception et la tristesse gagnent. Même si la jeune femme n’avait que vingt-trois ans, il avait espéré. Et finalement c’est le constat qu’elle ne viendra pas, que cette histoire n’a pas dépassé le possible. Le romancier s’en désole, mais tire une sagesse de cette déconvenue, car son petit prince est abimé à présent, et ses souvenirs mêmes : il reste à s’inventer des souvenirs.
Car c’est bien la tristesse même qui, au fond du Petit prince, se cache derrière un lourd voile de tristesse, parce que sa belle inconnue n’est jamais venue…
Lettres intimes
Les autres lettres recueillies dans ce choix ont toutes les les mêmes qualités. D’abord graphiques, en complément des en-tête de lettres des différents hôtels où elles sont écrites, elles sont illustrées par l’auteur, beaucoup avec le Petit prince, mais pas uniquement. Elles témoignent en revanche toutes de l’espièglerie de leur auteur, de cet esprit riche d’enfance et de la sagesse simple. Certaines montrent son ennui, d’autres son exaltation, mais toutes sont une conversation avec ses proches. Qu’elles disent peu de choses ou qu’elles soient des ébauches de récit, elles forment une manière de biographie de l’auteur qu’on parcours avec plaisir.
Un an avant sa mort prématurée en Méditerranée, Antoine de Saint-Exupéry a pu aimer encore ! Ces Lettres à l’inconnue en témoignent. Et c’est une autre facette du Petit prince dont le lecteur peut aujourd’hui appréhender.
Loïc Di Stefano
Antoine de Saint-Exupéry, Lettres à l’inconnue, suivi de Choix de lettres dessinées, Gallimard, « folio », février 2022, 131 pages, 7,60 eur