Invasions divines, l’ombre de Dick plane sur nous

Un auteur majeur de la science-fiction du XXe siècle

Cela fera quarante ans cette année que Philip K. Dick, auteur de science-fiction de deuxième zone de son vivant devenu culte, est décédé. Rappelons pour les plus jeunes qu’il est l’auteur du roman qui servit de base au film Blade Runner de Ridley Scott (un de ses trois chefs d’œuvres) et de la nouvelle dont Spielberg tira Minority Report. Les fans de science-fiction se rappelleront eux du Maître du haut château, de Dr Bloodmoney, de Glissement de temps sur Mars et d’Ubik. Voici en tout cas la réédition d’une biographie, Invasions divines, parue en 1996 chez Denoël, due à la plume de Lawrence Sutin, professeur à Harvard et passionné de l’œuvre de Dick. Notons qu’à l’époque cet ouvrage avait reçu le Grand Prix de l’Imaginaire.

Un être humain perturbé

On découvre (du moins les néophytes) combien Dick fut un homme… disons compliqué. On a droit au récit de son enfance, marquée par l’absence de sa jumelle Jane (il y aura des échos dans son œuvre de cette absente, par exemple dans Dr Bloodmoney) et le divorce de ses parents. Dick eut toute sa vie du mal à vivre en société (il n’est pas le seul), eut recours à quantité de médicaments et de psychotropes pour tout simplement exister. Marié quatre fois, il eut un rapport compliqué aux femmes et s’occupa peu de ses enfants. En 1974, il connut aussi une révélation mystique que certains réduisent à une manifestation psychotique. Et après ?

Une œuvre en miroir

Le premier intérêt de la biographie est de montrer que la vie et les tourments de l’auteur influencèrent son œuvre et c’est bel et bien. Le deuxième est de démontrer, en creux, combien Dick fut l’enfant de la Californie des années cinquante et soixante, comment il bénéficia de l’ambiance culturelle de cet état à part aux Etats-Unis, à la fois libéral et libertaire, en pleine effervescence culturelle (du moins à l’époque). On apprécie aussi de voir Dick interagir avec ses collègues auteurs de SF, au premier rang Harlan Ellison (trop injustement oublié) et A.E Van Vogt. C’est en tout cas nulle part ailleurs qu’aux Etats-Unis qu’est né l’œuvre mettant en cause le plus frontalement la nature de notre réalité (qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui est faux ?) et dénonçant aussi la dérive du contrôle total exercé par quelques-uns sur les masses. Intriguant.

Relisez Dick après avoir dévoré Invasions Divines de Lawrence Sutin.

Sylvain Bonnet

Lawrence Sutin, Invasions divines, traduit de l’anglais par Hélène Collon, Denoël, « Lunes d’encre », illustration de couverture de Pascal Guédin, février 2022, 510 pages, 24 eur

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