Le sport dans l’antiquité, Égypte, Grèce, Étrurie et Rome
À la faveur des Jeux olympiques, leur histoire et remise à l’honneur par Pierre de Coubertin ont fait l’objet de nombreuses parutions. Le Sport dans l’antiquité, Égypte, Grèce, Étrurie et Rome, comme son titre l’indique, élargit la focale et permet de situer et relativiser l’importance de la Grèce dans les origines de la pratique sportive moderne.
D’emblée, les auteurs n’hésitent pas à employer l’anachronique terme de sport pour des exercices physiques qui revêtaient d’autres dimensions, politiques, sacrées, culturelles. Adoptant un ordre chronologique, ces derniers pointent régulièrement ces enjeux, afin de mettre en évidence des spécificités matérielles et symboliques. Il est entendu également que l’antiquité est restreinte au bassin méditerranéen, non sans allusions à des continents éloignés.
L’apport de cette somme est de tenir compte de nouvelles sources concernant l’Égypte, de montrer ce que Rome doit à l’Étrurie et de battre en brèche certaines généralisations divulguées par des écrivains de l’antiquité, les Romains étant souvent tenus pour préférer la passivité du spectateur à la pratique individuelle.
Égypte et Grèce
On apprend ainsi, par exemple, que le pharaon était soumis à des épreuves sportives sans concurrent lors de la fête du jubilé et en particulier à la course.
[Thoutmosis II] est le premier d’une lignée à accorder quasiment autant d’importance au sport qu’à la guerre et à la chasse dans la constitution de la personnalité […] Il est quasiment indispensable d’être un grand champion pour assumer l’exercice du pouvoir.
Les analogies entre l’Égypte et la Grèce ne manquent pas, aussi les Égyptiens organisaient-ils également de grandes fêtes où les compétitions sportives étaient centrales comme l’indiquent les sources iconographiques qui montrent des escrimeurs et des boxeurs égyptiens et nubiens combattant par couples sous les yeux du souverain.
Toujours en Égypte, et pour des raisons guerrières, le peuple était aussi amené à s’entraîner aux sports de combat tels que lutte, pugilat, combats de bâton et une forme de marathon nocturne était même organisée, avec des performances similaires à celles des coureurs de fond de la fin du XIXe !
Quant à la Grèce, les auteurs rappellent que le sport n’y est pas né avec les Jeux Olympiques, comme Homère en témoigne : Ulysse au chant XXI de l’Odyssée remporte à l’arc le défi contre les prétendants , et Achille organise des jeux en l’honneur de Patrocle au chant XXIII de l’Iliade.
Le gymnase, aristocratique ou hoplitique ?
W. Decker fait le point sur le débat qui agite la communauté scientifique sur ses origines et sa vocation.
L’agôn et le gymnase se répondent d’un point de vue structurel et fonctionnel […] L’ancien monde ne disparait pas avec la polis. Le gymnase lui permet de s’assurer de la permanence de son identité et il participe du processus de démocratisation […].
Rome, véritable précurseur de la pratique moderne
Si Rome, selon les auteurs « préfigure le sport moderne et […] est bien le seul à le faire » , il ne faut pas s’imaginer de ruptures brutales entre les pratiques grecques et le sport à Rome, d’autant que les Romains doivent beaucoup aux Etrusques qui eux-mêmes avaient des relations avec les Grecs. Les Jeux olympiques ne disparaîtront qu’au IVe s. après J.-C, mais c’est bien Rome qui fera des compétitions sportives un véritable spectacle, en développant les pratiques étrusques par l’installation de structures plus ou moins pérennes pour faire asseoir les spectateurs et y accepter les femmes dans leurs rangs.
La femme étrusque, comme plus tard la femme romaine, n’était pas confinée dans un gynécée, sortait en public et en particulier assistait à toutes les fêtes sportives.
Quant aux entraînements, le champ de Mars ou les campi des villes en seront le cadre privilégié même au temps de la « pax romana » dont certaines survivances sont observables en Italie. Jeux de ballon pour les femmes et les hommes, natation dans le Tibre ou dans des piscines avant l’institution des thermes, Rome n’ignorait pas des pratiques qui nous sont très familières.
Ce seront les compétitions hippiques et les sports de combats qui remporteront la palme de l’engouement des foules sous une forme de folie collective. Cet aspect, ainsi que la pratique excessive du sport feront l’objet de la critique de nombre d’écrivains ou philosophes gréco-romains, au nom, soit de la vie de l’esprit, soit de l’ utilité sociale.
Loin de leur origine sacrée, les jeux, lors desquels on parie sur des chars aux couleurs d’une faction, sont des « véritables entreprises de spectacle sportif qu’on ne peut pas ne pas comparer à nos grands clubs professionnels de football dont elles présentent tous les traits ».
L’ouvrage, de composition claire, écrit dans un style imagé, fait état des derniers apports de la recherche et de discussions entre les chercheurs, issues d’interprétations de sources livresques, épigraphiques ou iconographiques : de quels attributs la nudité des athlètes romains était-elle parée ? quelle catégorie d’athlètes portait le cirrus, petite touffe de cheveux au sommet de la tête ? de quoi les mains des boxeurs étaient-elles au juste armées ou recouvertes ? le saut en longueur était-il pratiqué avec ou sans élan ?
De quoi intéresser tous les curieux de l’antiquité ou des origines de nos pratiques sportives. Le seul regret qu’on puisse avoir est que cette édition de poche ne comporte que de simples schémas ou croquis pour iconographie.
Florence Ouvrard
Wolfgang Decker, Jean-Paul Thuillier, Le Sport dans l’antiquité, Egypte, Grèce, Etrurie et Rome, Actes sud / Errance & Picard, juin 2024, 336 pages, 14,90 euros