Vies oubliées, redécouvrir leurs mots

Une historienne à part

Spécialiste du XVIIIe siècle, Arlette Farge est connue pour avoir travaillé avec le philosophe Michel Foucault avec qui elle a publié Le désordre des familles, lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe siècle (Gallimard, 1982). Seule, elle a publié La vie fragile : violence, pouvoirs et solidarités à Paris au XVIIIe siècle (Hachette, 1986), Le goût de l’archive (Seuil, 1989). Avec Vies oubliées, qui a eu une première édition en 2019, elle a choisi d’étudier des bribes d’archives, des mots, des lettres laissées ici et là par des anonymes dans le Paris du XVIIIe siècle. Un projet qui sort des sentiers battus. Un projet un peu fou ?

Comprendre le passé

L’archive est le paradis de l’historien, une de ses sources principales. Le but d’Arlette Farge est ici de découvrir la nature humaine et ses tourments chez ceux qu’on appelle les oubliés de l’histoire. Des gens du peuple, des hommes ordinaires, des policiers, des femmes, des filles (parfois mères), des domestiques, des parents surgissent donc ici de l’oubli dans ce livre un peu décousu mais très travaillé. On y découvre ce que peut être la relation entre un père et un fils à cette époque, le souci constant des policiers de se tenir informé de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’état de l’opinion publique. Une attention particulière est portée aux mots des femmes. On découvre ainsi les souffrances de la maternité (la mortalité infantile est très élevée), les viols dont certaines sont victimes, les heurts et malheurs de la vie conjugale aussi. Il y a aussi la compassion de certains, pensons à ces enfants abandonnés que des parents reviennent chercher… Vies oubliées est un livre très original qui fera les délices des amateurs d’une histoire sortant des sentiers battus et loin des traditionnelles biographies des grands hommes.

Sylvain Bonnet

Arlette Farge, Vies oubliées, La découverte, août 2023, 336 pages, 13 euros

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