« Les fantômes de Manhattan », un échec ambitieux

Un auteur important : R.J. Ellory


Publié en France par les éditions Sonatine, le britannique R.J. Ellory a publié nombre de romans qui ont remporté un succès grandissant. Citons Vendetta (Sonatine, 2009), Les Anonymes (Sonatine, 2010) ou Les Anges de New York (Sonatine, 2012). Dans ce dernier roman, Ellory s’essayait à une histoire de la police de New York à travers le personnage d’un policier hanté par les crimes de son père, lui-même policier. Avec Les Fantômes de Manhattan, Ellory essaie de raconter deux histoires, de mêler passé et présent. Pour quel résultat ?

Une jeune orpheline en quête de sens


Agée de trente ans, Annie O’Neill tient une librairie dans Manhattan. Elle a peu de clients mais réussit à vivoter tant bien que mal. Célibataire, ses parents décédés (son père est mort quand elle était très jeune), elle n’a comme ami que Jack Sullivan, un ancien reporter de guerre alcoolique, son confident de tous les instants. Un jour, un vieil homme plutôt charmant débarque dans sa librairie.

Comment avez-vous connu mon père ? Demanda Annie, dont les mots avaient du mal à se frayer un chemin jusqu’à sa bouche. Elle sentait sa poitrine se serrer, comme si elle retenait des larmes taries depuis longtemps. / L’homme eut un clin d’œil à son adresse. / — Ah ça, ma chère, c’est une très longue histoire… »

Il lui laisse à lire un manuscrit, inachevé selon lui. Elle découvre alors l’histoire d’Haïm, un jeune juif rescapé des camps, adopté par un soldat américain nommé Daniel Rosen. Le jeune Haïm devient Harry Rose, un jeune homme terriblement intelligent et ambitieux, prêt à tout pour réussir, y compris au crime. Annie est fascinée par cette histoire, dont le vieil homme, Forrester, lui apporte un chapitre par semaine. Parallèlement, elle rencontre David Quinn, un homme très séduisant. Son ami Sullivan la pousse à coucher avec. Elle rit. Se laisse tenter. Sans savoir qu’elle met le doigt dans un engrenage qui va la mener au bout d’elle-même…

Un roman surfait


Les fantômes de Manhattan est doté de l’envergure narrative du film Il était une fois en Amérique de Sergio Leone. Diable ! c’est passer la barre très haut. De fait, ce roman est ambitieux, mélangeant deux récits, dans une construction complexe. Dans la grande tradition du film noir, le passé va expliquer le présent et surtout motiver une vengeance. Si le roman est plaisant, peut être qualifié par les amateurs de « page-turner », il est cependant doté de défauts. Déjà le personnage d’Annie est d’une mièvrerie incroyable. Sinistrée par l’absence de son père, elle se révèle être une vraie midinette devant le beau David Quinn : on est pas loin d’une caricature de Bridget Jones. Enfin le dénouement est aussi caricatural (on en apprend de belles sur ce Quinn). Dommage car la partie se déroulant dans le passé est elle très réussie.

On a l’impression qu’Ellory a voulu se mesurer à Dennis Lehane (la trilogie dite des Coughlin, ouverte par Un pays à l’aube plus particulièrement). Eh bien, c’est raté pour cette fois !

Sylvain Bonnet


R.J. Ellory, Les Fantômes de Manhattan, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Claude et Jean Demanuelli, sonatine éditions, juin 2018, 464 pages, 22 eur

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