Les Météores de René Descartes
Les éditions Rivages ont eu une belle idée en publiant, dans leur collection de poche, un livre de Descartes, baptisé Les Météores, livre peu connu, oublié, troublant. Descartes quitte un peu la philosophie dans ces pages, et raconte, tout ce qu’il sait des nuages, de la pluie, du ciel, et plus précisément « de la nature des corps célestes, des vapeurs et des exhalaisons, de la couleur des nues, et de l’apparition de plusieurs soleils ». C’est dire que ce traité ne manque pas d’ambition, d’autant qu’il s’efforce d’expliquer ces phénomènes, preuves à l’appui, dans la langue délicieuse et un peu surannée du XVIIe siècle, en y incorporant tout le vocabulaire scientifique qu’il avait à sa disposition à l’époque.

On ne s’étonnera pas de trouver Descartes méthodique, il a donc découpé son livre en dix chapitres, qui sont autant de « Discours », ayant chacun un thème différent : le tonnerre, les nuages, l’arc en ciel, la rosée, etc. On se plonge avec émerveillement devant un luxe de détails, qui va loin dans la description. Descartes ausculte le corps du flocon de neige, et relate « une observation faite l’hiver 1635, le quatrième de février, le soir à Amsterdam ». On ne saurait être plus précis. Pour mémoire, on notera que c’est seulement deux ans avant, en juillet 1633, que Galilée fut condamné par l’Eglise….
En fait, Descartes est simplement fasciné par ce qu’il voit dans les nues, et s’oblige à y trouver une explication. Si vous voulez tout savoir sur « les petites colonnes de cristal » et les étranges « petits pelotons de glace », dont il devine qu’ils ne sont faits « que de filets confusément entremêlés », il faut dévorer cet ouvrage sans tarder. Idem pour la « grêle cornue », ou cette « grêle blanche, fort longue et menue, dont chaque grain avait la figure d’un pain de sucre ». Fait-il subitement froid ? Il note que c’est « le serein, qui ne tombe jamais que le soir, et ne se connait que par les rhumes et les maux de tête, qu’il cause en quelques contrées » ; et d’observer qu’ « il ne consiste qu’en certaines exhalaisons subtiles et pénétrantes ». Quant à l’arc en ciel, il en reconstitue les éléments avec dessins, graphiques et tableaux, véritable précis d’algèbre, qui ferait bonne figure aux cours de maths de Polytechnique.
Cependant, Les Météores n’ont pas été pris au sérieux par les siècles qui ont suivi, la plupart des scientifiques considérant qu’il s’agissait là d’élucubrations poétiques, dénuées de tout fondement. Qu’importe, si certains passages, à fleur de poésie, nous renvoient plutôt vers les voyages dans la lune de Cyrano de Bergerac. On pourra plutôt trouver quelques confluences avec le De natura rerum de Lucrèce, qui mérite d’être (re)découvert, lui aussi, et fut diablement novateur, lui aussi.
La présente édition des Météores propose une intéressante préface de Maxime Rovere, qui situe bien l’ouvrage dans son temps, l’année 1637, un an après Le Cid. Elle se conclue par un résumé « des principales difficultés qui sont expliquées aux météores ». Loin d’être un austère cours de physique, ce petit livre est plein de lyrisme, de charme et de couleurs, et l’on y voyage dans les nues, porté par d’indicibles tourbillons de vapeurs.
Didier Ters
René Descartes, Les Météores, préface de Maxime Rovere, Editions Rivages, 160 pages, mars 2019, 6,10 eur