Les Pétroleuses, rendre justice aux femmes de la Commune

Une historienne oubliée

On connaît peu aujourd’hui Édith Thomas (1909-1970). Elle fut journaliste, romancière, résistante et historienne : on lui doit des ouvrages comme Les Femmes de 1848 (PUF, 1948), une biographie de Louise Michel (Gallimard, 1971) et surtout Les Pétroleuses (Gallimard, 1963). Dans ce dernier livre, elle revenait sur ces femmes brocardées par bien des journaux bourgeois pour avoir mis le feu avec du pétrole à des édifices publics comme l’hôtel de ville, les Tuileries ou la maison de la légion d’honneur. Et bien sûr avant elles avaient fait le coup de feu contre les versaillais.

Un travail exemplaire

Il est véritablement étonnant que cet ouvrage n’ait pas eu plus de retentissement. Édith Thomas dresse un portrait collectif de femmes engagées dans la Commune mais en bonne historienne, elle restitue le contexte. Nous voici plongés dans le Paris de la deuxième moitié du XIXe siècle, sous le Second Empire. Les femmes sont des blanchisseuses, des servantes et surtout les compagnes des ouvriers. On ne se marie pas effectivement dans la classe ouvrière de l’époque, largement déchristianisée, ce qui n’exclut en rien fidélité et amour. Ces femmes embrassent donc la cause de la Commune (malgré bien des préjugés masculins), Louise Michel l’institutrice en premier. Ces femmes sont françaises et étrangères, parfois liées à l’Internationale comme la russe Elisabeth Dmitrieff.

Un mythe ?

Les incendies de la Commune ont bien sûr existé. Par contre, en lisant cet ouvrage, on se rend compte que le rôle des femmes, ces « pétroleuses » qui ont fait si peur aux bourgeois bien-pensants, est loin d’être prouvé. Édith Thomas a repris les dossiers des accusées, préparées par la justice militaire et il y a peu d’éléments à charge. Les jugements rendus, quoiqu’on pense de ces femmes, des révolutionnaires qui n’avaient pas peur de tuer, sont largement politiques, dépourvus de preuves.

Malgré quelques limites (dont l’imprégnation du marxisme), Les Pétroleuses d’Édith Thomas, historienne injustement tombée dans l’obscurité, demeure un ouvrage précieux et éclairant.

Sylvain Bonnet

Édith Thomas, Les Pétroleuses, préface de Chloé Leprince, Gallimard, « folio histoire », mars 2021, 400 pages, 9,40 eur

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