Cauchemars ex machina, passionnant roman policier graphique

Une diablerie d’intrigues artistiques  

Thierry Smolderen signe avec Cauchemars ex machina un nouveau et brillant scénario que Jorge González illumine en apportant sa grâce artistique. C’est est une sacrée aventure policière et graphique où l’on navigue de rebondissements en fresques colorées. Une merveille.  

Un trésor d’uranium ! A coup sûr notre homme viendrait s’occupe du transport en personne ! Et au moment où il arrive sur les lieux pour inspecter le minerai… BOUM !

Conspiration machiavélique  

Nous sommes en septembre 1991 et le romancier Corneille Richelin est assassiné dans son bureau, une hache plantée dans le crâne, son bureau fermé de l’intérieur. Pour comprendre le fin mot de l’histoire nous devons remonter le temps, jusqu’en 1938. C’est au cours d’un dîner organisé par un riche allemand que trois auteurs de romans à suspense se rencontrent. Leurs destins vont se mêler et la guerre va leur permettre de se dévoiler ou d’avoir un rôle qu’ils n’auraient pu imaginer que dans leurs propres romans.   L’anglaise Margery Allingham et l’allemand Ernst Bornemann, exilé avant-guerre au Royaume-Uni, vont se concerter pour piéger l’oncle du Baron Von Richtenback et utiliser la candeur de Corneille Richelin. Ce dernier jouit de la protection du Baron dont l’oncle est un personnage en vue du Reich. Leur but ? Le neutraliser.

Quatre années plus tard, la guerre a éclaté et les mêmes protagonistes vont se rejoindre. L’homme est devenu un dignitaire nazi  et sa nouvelle lubie est de trouver de l’uranium pour concevoir une nouvelle arme capable de terrasser l’ennemi. C’est là que Margery entre en jeu, faisant croire à Richelin qu’une importante quantité d’uranium est cachée en France. Richelin en témoignera aux allemands et ainsi le piège va se refermer sur eux. Mais comment va-t-elle s’y prendre pour que tout fonctionne ?  

Sublimes meurtres  

Même avant de rentrer dans l’histoire diabolique, on ne peut que parcourir l’ouvrage et être happé par les pages dessinées, ou plutôt créées par Jorge González. L’auteur talentueux de La Flamme (Aire libre, 2020) ou encore de Chère Patagonie (Aire libre, 2012) nous éblouit de son pinceau et de ses traits si personnels.   Mais revenons à ce scénario tiré au cordeau qui pourrait tout à fait être adapté d’un roman. Mais non, c’est l’imagination surabondante de Thierry Smolderen qui nous a concocté une histoire dont il déroule le fil avec quelques personnages et sur plusieurs séquences et époques. Des flashbacks nécessaires pour comprendre et poser toutes les trames de l’histoire. Un scénario très hitchcockien à tiroirs et rebondissements où il est original d’avoir associé de vrais auteurs de romans policiers comme personnages principaux.  

Cauchemar ex machina est un album sublime car Jorge González y met sa patte personnelle et toute son énergie. Il a su apporter à cet album une ambiance à la fois sombre et glaciale. Vous avez l’impression de voir une œuvre non achevée ? Ces personnages sont tels des robots ou des pantins articulés et, en quelques traits, il arrive à leur donner la vie, des sentiments, des émotions. C’est la base de son style, complété par des ambiances colorées, hachurées par ses coups de pinceaux mais certainement pas de mornes aplats faits à la va-vite. Son dessin est puissant et généreux. Il ponctue l’histoire par de pleines pages paysagées par moment faites de collages avec des bâtiments aux lignes tendues pour mieux contraster son travail.  

Xavier de La Verrie  

Thierry Smolderen & Jorge González, Cauchemar ex machina, Dargaud, janvier 2022, 128 pages, 25 euros

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