Les Poissons-chats du Mississippi

Richard Grant est un écrivain anglais amateur de sensations fortes, dont le récit des aventures aux quatre coins du monde rencontre un fort succès. Comme une expérience supplémentaire, il a choisi de s’installer dans l’état du Mississippi, l’un des plus pauvres des Etats Unis, précisément dans le vaste delta de ce fleuve mythique. C’est un pays vraiment singulier, à quatre heures de voiture de la Nouvelle Orléans ; un monde sauvage et inattendu, où l’on chasse l’écureuil à dos d’éléphant, où l’on joue au golf avec une tronçonneuse, où l’on mange des saucisses de cerf avec des cornichons frits, où les moustiques sont encore plus agressifs que les alligators. Bref, le dépaysement est garanti par ce que promet Les Poissons-chats du Mississippi

Le narrateur emménage dans une vieille maison humide et délabrée, au bord d’un des multiples bras du grand fleuve, avec une nature exubérante, une faune envahissante et des serpents à volonté. Le pénitencier local est un des rares pourvoyeurs d’emplois du canton, et le chômage, l’alcool, la violence, la drogue, le jazz et les armes à feu se portent à merveille. Chapitre après chapitre, on s’installe avec l’auteur dans ce delta insalubre, où les plus redoutables criminels croisent les plus chic types de la terre. 

Mais avec un humour incorrigible et typiquement anglais, un sens du récit achevé, et un ton enjoué très entrainant, Richard Grant fait de l’or avec de la boue, et transforme le fait divers en roman d’amour. Mieux encore, il conte des rencontres improbables entre ceux que tout oppose, les chasseurs au gibier, les noirs aux blancs, les démocrates aux républicains, les catholiques aux protestants, les détenus à leurs gardiens. Et il concocte ainsi un passionnant reportage sur l’Amérique d’aujourd’hui, bien loin des cercles culturels de New York, ou de la richesse de la Californie, mais au plus près d’un petit peuple, qui n’a pas oublié deux cents ans d’esclavage, et que le racisme déchire encore. 

Malgré tout, Richard Grant trouve son bonheur, comme cet assassin de sang froid, devenu prisonnier modèle, puis jardinier inspiré, et protecteur attentif d’une vieille dame, ce qui lui valu l’admiration de tout son village. Ayant ainsi révélé une rédemption pour toutes choses, l’auteur fait pousser les fleurs du mal sur un terreau de vices, et, riche d’amitiés nouées pour la vie, part tout joyeux en voyage de noces. Car on se marie aussi dans le terrible delta du Mississippi. 

Didier Ters

Richard Grant, Les Poissons-chats du Mississippi, traduit de l’anglais par Alexandra Maillard, Editions Hoëbeke, mars 2019, 310 pages, 24 euros, sortie mars 2019.

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