La Chine et la Grande guerre, des travailleurs oubliés
Des empereurs aux travailleurs
Maître de conférences à l’université du Littoral Côte d’Opale, Li Ma a dirigé un ouvrage collectif, Les Travailleurs chinois en France pendant la Première Guerre Mondiale (CNRS, 2012) et publié Pouvoir et philosophie chez Zhu Yuanzhang (Editions You Feng, 2002), fondateur de la dynastie des Ming. Elle se penche dans La Chine et la Grande Guerre sur la participation de la Chine à la Première Guerre Mondiale à travers l’envoi de travailleurs chinois en France.
Le coup de dés de la Chine
L’historienne commence par retracer comment la Chine, au cours du XIXe siècle, s’est retrouvée la proie des puissances occidentales. Grâce à leur avance technologique de plus en plus importante, la Grande-Bretagne et la France battent l’empire chinois lors des guerres de l’opium et imposent les premiers traités inégaux qui vont progressivement mettre celui-ci sous tutelle étrangère. Incapable de moderniser le pays, la dynastie des Qing tente de jouer le peuple contre les étrangers lors de la révolte des boxers : c’est un échec sanglant qui accroit la dette de la Chine via le paiement d’une indemnité de guerre faramineuse.
Il est probable que sans le déclenchement de la Première Guerre mondiale, la Chine aurait été colonisée et partagée entre les grandes puissances incluant bien évidemment le Japon. Ce dernier pays, allié aux britanniques, combat les allemands sur le sol chinois dans la province du Shantung. D’abord attaché à sa neutralité, la Chine devenue République en 1912 choisit progressivement le camp de l’entente afin, lors de la conférence de paix, de desserrer la pression occidentale qui pèse sur le pays.
Les travailleurs chinois en France
La France et la Grande-Bretagne ont de grands besoins de main d’œuvre avec les départs au front. 180 000 travailleurs vont donc être recrutés pour partir en Europe. Ils vont travailler comme ouvriers, voire sur le front lui-même. Li Ma décrit leurs difficiles conditions de travail, les brimades des militaires français et britanniques, le racisme aussi. Majoritairement analphabètes, une partie de ces travailleurs vont aussi avoir accès à des cours du soir et apprendre à lire et écrire le français et le chinois. Certains s’engageront ensuite en politique et dans le parti communiste comme Deng Xiaoping.
C’est une page généralement ignorée du premier conflit mondial que Li Ma nous invite ici à redécouvrir.
Sylvain Bonnet
Li Ma, La Chine et la Grande Guerre, CNRS Éditions, avril 2019, 360 pages, 25 eur