Lykaia, odyssée sadique de DOA

Un phénomène

DOA signifie Dead On Arrival , c’est-à-dire mort à l’arrivée à la morgue. C’est aussi le nom d’un film de Rudolph Maté avec Edmond O’Brien, origine du pseudonyme d’un des plus écrivains français de polar les plus singuliers. DOA a fait parlé de lui dès Citoyens clandestins qui a obtenu le grand prix de littérature policière en 2007. Il a réutilisé les personnages dans un dyptique assez violent, Pukhtu, publiés en 2015 et 2016. DOA a également écrit un scénario pour la série Braquo et a coécrit un roman avec Dominique Manotti, L’Honorable société. A l’automne 2018, il a sorti Lykaia, un roman très singulier qui se situe dans les milieux du bondage et du SM.

Cuir, godes et plaisirs chirurgicaux

Lui est le Loup. Ancien chirurgien défiguré dans un incendie, il opère désormais dans des soirées spéciales pour des gens amateurs de sensations fortes et de plaisirs intenses, où la douleur et l’orgasme se mêlent :

J’y suis, dedans, et mon patient se lamente sans discontinuer. Parce qu’il voit, sent, entend. Tout. Les chocs, les mouvements, les coupes, les percées, les saignements. La douleur pas trop, juste assez. Le prix à payer. Rachianesthénie a minima, un fond de Marcaïne, le double de Sufenta, une giclée de neuroleptiques et d’antalgiques en intraveineuse. / Ça l’excite. / Une érection a poussé, malgré une sonde et la chimie, sous le champ opératoire dressé entre ses jambes écartées. »

Peu importe que les patients du Loup meurent tant qu’ils jouissent…

Quant à elle, c’est la Fille. Le Loup l’a repéré dans une soirée, après qu’elle lui ait effleuré la main. Elle lui rappelle sa vie d’avant, sa fille Léonie qu’il ne voit plus. Le Loup la suit jusqu’à Prague, la délivre dans une soirée mal engagée, tue aussi pour elle. Il la soigne et l’emmène dans sa voiture. Jusqu’à Venise comme elle l’a demandé. Et voici nos Bonnie & Clyde du bondage sur les routes d’Europe…

Une expérience limite

Lykaia déroute et secoue un lecteur non initié aux pratiques SM extrêmes (ce qui fait beaucoup de monde). Vers la page 30, on lâche le livre, étouffant. On le juge malsain et on sort faire un tour. Puis on le reprend et commence alors le récit d’une histoire d’amour. Le Loup et la Fille errent à travers l’Europe. Le Loup est hanté par sa vie d’avant, par sa femme qui l’initia au sexe libre. Par sa fille aussi, Léonie. La Fille est une jeune d’Europe de l’est, on ne saura jamais son prénom.

L’histoire se terminera mal comme dans tout bon roman noir. Sauf que ce n’est pas qu’un roman noir. C’est un livre de l’extrême qui aura du mal à trouver son public.

On dit de DOA qu’il est talentueux et qu’il ne veut pas être sympathique : ce livre démontre l’acuité de cet jugement.

Sylvain Bonnet

DOA, Lykaia, Gallimard, octobre 2018, 256 pages, 19 eur

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