1991, la première enquête de Sharko

Au fil des romans, le personnage de l’inspecteur Franck Sharko est devenu emblématique de l’œuvre même de son créateur, Franck Thilliez. Et comme il l’explique lui-même en épilogue de 1991, pourquoi ne pas revenir aux sources et répondre aux attentes des lecteurs qui réclamaient les origines de Sharko? C’est chose faite, avec une double-enquête et cette plongée plus que réussie dans le passé.

Les débuts au 36

Après quelques années dans son Nord natal, Franck Sharko est muté au fameux — légendaire ! — 36. Il intègre une petite équipe d’enquêteur dont il devient le sixième membre, autant dire le petit nouveau à tout faire. Et pour commencer, il fait ses armes en épluchant toute la paperasse d’un vieux dossier, une manière de fantôme pour l’équipe : cette série de crimes particulièrement violents n’a jamais été résolue. Il va s’y consacrer à plein et découvrir un point d’accroche, qu’il va travailler en solo jusqu’a pouvoir proposer à l’équipe des éléments nouveaux. C’est son regard de novice qui les intéresse. Mais ne pas faire le malin ni les brusquer, aucun n’est sorti indemne de cette enquête.

D’autant qu’il ne connaît pas les bonnes manières du 36. Car alors qu’une autre équipe est d’astreinte, il suit son instinct et conduit un homme dans une maison au fond des bois. L’inquiétude ? Cet homme a reçue une lettre lui proposant un jeu au terme duquel il a récupéré des informations sur la disparition d’une femme et sa photo : attachée sur un lit. Cette levée de doute (1) qu’il pensait anodine va ouvrir sur une enquête passionnante et terrible à la fois. Et Sharko va faire son baptême du Mal.

Dans le grand bain

Il ne faudra pas attendre quinze jours pour que Sharko doive plonger dans le Mal pour comprendre comment un meurtrier est capable de créer autant de souffrance. Et surtout : pourquoi ? La motivation est ce qui va permettre à l’équipe de Sharko de remonter une piste improbable pour atteindre une vérité impensable ! La situation en 1991 joue dans la compréhension des motivations un rôle central. Ce n’est pas un archaïsme culturel servant de décor — on remplace ordinateur par minitel —, les faits sont inouïs alors. Et même avec le recul du temps, ils restent abominables : aussi bien ceux subis par les victimes que ceux qui ont engendrés le monstre.

Franck Thilliez est à l’aise avec son personnage, et s’il le malmène il n’oublie pas de faire le cadeau attendu pas ses lecteurs : raconter l’origine de sa vocation. Il nous dévoile un pan de sa jeunesse, sa famille, ce Nord qui l’a forgé. Il nous plonge également dans le monde d’avant la technologie, où l’instinct seul faisait le flic.

Avec 1991, Thilliez peaufine le portrait d’un des personnages les plus attachants dans l’univers du polar français contemporain.

Loïc Di Stefano

Franck Thilliez, 1991, Fleuve, mai 2021, 492 pages, 22,90 eur

(1) Article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure.

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