Romans sur le monde inhumain de l’entreprise

Souvent avec humour et une certaine dose d’acide, un grand nombre de romans sont consacrés au monde de l’entreprise. Toujours pour le critiquer, d’ailleurs, revenant à l’origine du terme travail, qui vient de tripalium, ancien instrument de torture… Cette vision du monde du travail, de l’entreprise est source d’inspiration pour des écrivains qui veulent critiquer une certaine vision de la société, déshumanisée ou devenue fourmilière. Mais point de retour à la terre, à Thoreau ou Rousseau, de décroissance volontaire. Juste une critique d’un système qui a fait ces écrivains mêmes, ou leur a donné l’occasion d’une première expérience et, disons-le, d’un sujet. Florilège.

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Sur une première embauche — La Chance que tu as de Denis Michelis

Ici au moins, il est au chaud.
Ici au moins, il est payé, nourri, blanchi.
Ici au moins, il a du travail.
L’enfermement le fait souffrir certes, mais pense un peu à tous ceux qui souffrent vraiment.
Ceux qui n’ont plus rien.
Alors que toi, tu as une situation et un toit où dormir, ça n’est pas rien tu sais.
Et tu oses te plaindre.

Denis Michelis, La Chance que tu as, Stock, août 2014, 160 pages, 17 eur

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Dans l’enfer du bureau — Jeune professionnel de Guillaume Noyelle

Les premiers jours, on me demandait si mon poste me plaisait. Je répondais : « Bien sûr, je le trouve très intéressant. » Je lisais sur le visage de mes interlocuteurs une manière d’intérêt, de surprise. Aurais-je raconté une aventure où ma vie ne tenait qu’à un fil, ils auraient montré ce même petit étonnement qui marque la grande indifférence. Je tâchais de trouver un angle de vue singulier à un quotidien linéaire.

Un jeune homme se souvient de son passage dans le monde de l’entreprise. A travers son regard, la vie active s’apparente à une comédie humaine où les petitesses côtoient la tragédie.

Guillaume Noyelle, Bartillat, septembre 2007, 180 pages, 14 eur

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La déshumanisation au travail — Sortie d’usine de François Bon

Sortie d’usine : le moment même de la sortie, la débauche, cette bousculade.
Mais aussi la sortie définitive : la mort, au quotidien de l’usine, ou l’accident, la mutilation. Ou parce qu’on envoie un jour sa lettre de démission, sur un coup de tête, longtemps retardé : et qu’une fois parti se révèle la peur, que jusque dans les rêves persiste la peur de la machine, de l’usine-maison, de l’enfermement dans un temps figé, déchu.
Sortie d’usine — roman, parce que la fiction qui veut conjurer cette peur, si elle inscrit des figures prises à l’usine, en est déjà isolée : comme ces aperçus qu’on en saisit de la rue, par un portail ouvert.

François Bon, Sortie d’usine, Editions de Minuit, septembre 2011 (1982 pour l’édition originale), 169 pages, 7,50 eur


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