Frankenstein revisité par Michael Walsh
S’emparer d’un mythe est toujours une gageure. Et s’il connaît bien, évidement, le roman initial de Mary Shelley, paru en 1818, c’est à l’œuvre cinématographique de James Whale, datant de 1931, que Michael Walsh veut rendre hommage en donnant sa version de Frankenstein.

Le monstre composite
Le père du petit Paul vient de se faire enterrer. Il est à pleurer sur sa tombe quand il est apeuré par la venue de deux hommes qui… viennent voler le cadavre. Ils décident de l’emporter et d’utiliser les mains. Paul, se met à les suivre et c’est par son regard que l’histoire commence. Le lecteur découvre ce qu’il connaît : un savant illuminé et son affreux acolyte en train d’assembler des morceaux humains pour former un corps composite dans lequel ils espèrent pouvoir insuffler la vie. Le mythe prométhéen est en marche, et le Docteur Frankenstein (qui ne s’appelle plus Victor mais Henry…) va enfin pouvoir atteindre au rêve surhumain : devenir Dieu.
Mais la créature va échapper à son créateur. Et à l’horreur de l’acte même d’avoir créé un monstre, dans des décors faits de cimetières, de ruelles sombres, de caves, de laboratoire démoniaque… s’ajoute les actes dont le monstre est capable. Mais la morale de Shelley est sauve, car là encore si la créature fait le mal c’est pour échapper au sort qui lui est réservé, avec un effet spéculaire qui lie le créateur et sa créature, le monstre physique n’étant, en fait, que le reflet du monstre moral.

Un récit immersif
Si le récit de Michael Walsh est plus ou moins fidèle à l’histoire originelle, l’intérêt principal de ce très bel album est la narration, vraiment intelligente et prenante. Chaque chapitre correspond à un morceau d’homme, la manière dont il a été obtenu et de quelle manière il impacte la créature à laquelle il va être incorporé, ses réactions, son histoire. Car le corps a sa mémoire, et s’il manque un élément que la charge d’énergie n’aura pas su introduire — qu’on laisse au lecteur le plaisir de découvrir —, chaque partie va interagir avec le tout et participer orienter le récit.

En revanche, à moins de concevoir cela comme une métaphysique de l’horreur, l’album n’atteint pas l’objectif avoué de son auteur : terrifier. Il pose une très belle ambiance, sombre et meurtrière, il joue à merveille avec les limites de la folie et sa créature a tout ce qu’il faut pour effrayer les villageois qui vont la pourchasser (cet n’est donc plus le professeur qui la poursuit lui-même jusque sur la banquise…), mais pas le lecteur. Le plaisir est réel, et Michael Walsh réussit avec Frankenstein une très belle personnalisation du mythe.
Loïc Di Stefano
Michael Walsh, Frankenstein, traduit de l’anglais (USA) par Arnold Petit, Urban Comics, octobre 2025, 120 pages, 20,50 euros
