Ma Retraite, Hitler en petit vieux aigri après la chute du IIIe Reich

Reprenant la fameuse couverte de Mein Kampf au bandeau rouge, Abraham Martinez propose une version sarcastique, Ma Retraite. Imaginer qu’Adolf Hitler a trompé son monde, et qu’il a survécu après sa mort officielle du 30 avril 1945 n’est pas nouveau. Mais le ton et la transformation du monstre en petit vieux aigri et banal est tout à fait intéressante.

Les faits historiques et la dystopie hitlérienne

Ce que l’on sait de la mort d’Adolf Hitler laisse place à tous les fantasmes. Il y aurait un crâne récupéré par l’armée russe, résultant du suicide du dictateur et de son épouse, dont les corps auraient été calcinés dans une fosse vite creusée devant le bunker où les dignitaires du IIIe Reich s’étaient réfugiés. Quelles certitudes ? Si de nombreuses personnes sont certaines d’avoir vu Hitler vivre après la date officielle de son décès (qui jusqu’en 1956, qui jusqu’en 1984), considérant sa date de naissance (1889) on peut légitimement penser qu’il est à présent bel et bien mort.

Cette possibilité d’une survie d’Hitler a donné naissance à quelques grandes œuvres, comme Il est de retour de Timur Vermes et Le Maître du haut château de Philip K Dick. Mais si pour le romancier américain Hitler a gagné la guerre dans ce monde et conquis l’Amérique, pour Abraham Martinez le « réel » est tout autre. La Deuxième guerre mondiale a bien été gagnée par les Alliés, le IIIe Reich a bien été détruit, le procès de Nuremberg a bien eu lieu. La seule variante : Hitler s’est réfugié en Espagne, puis en Argentine.

Un petit vieux aigri

Incognito parce qu’allégé de sa fameuse moustache, Adolf Hitler voit le monde évoluer et réagit avec les mêmes réflexes. Il est toujours aussi aigri, critique, méprisant pour tout ce qui n’est pas aryen. Entouré d’une cour de rares fidèles, Hitler voit le monde évoluer. Et contre toute attente, il ne désespère pas de reprendre le monde en main. Surtout quand il voit le capacités nouvelles offertes par la bombe atomique !

Il ressasse son passé glorieux et sa haine des juifs. Il est obsédé par le philosophe Ludwig Wittgenstein (1889-1951) qui fut — possiblement — son camarade de classe à la Realschule de Linz en 1904-1905. Pour Hitler, le petit Ludwig, bien que catholique, est le parangon du juif capitaliste qui spolie le peuple allemand. Et le tuer est dorénavant sa grande obsession, car sur ce sacrifice il espère fonder le nouveau Reich !

Ma retraite est une fiction politique très précieuse. Elle interroge aussi bien la prégnance des idées extrêmes que la facilité avec laquelle le peuple va oublier. Et pourtant le réel donne raison à Abraham Martinez ! Un cinquième de la population ne sait rien d’Hitler, voire même de l’existence de la Shoah

Loïc Di Stefano

Abraham Martinez, Ma Retraite, traduit de l’espagnol par Léa Jaillard, Bang, janvier 2020, 115 pages, 20 eur

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