Lancaster, meurtre en pays Amish

Avec Lancaster, Michel Moatti promet une histoire de violence. Dans les paysages ruraux des contrées Amish, au cœur de l’Amérique traditionaliste, un meurtre terrible à eu lieu. La question n’est pas de savoir qui, ni comment. Ni même pourquoi. L’art de Moatti consiste à tout exposer et à surprendre encore.

Lancaster, Pennsylvanie

Comment qu’une jeune fille comme ça peut en venir à faire les horreurs que vous dîtes, madame, si j’ose dire ? Comment qu’une jeune fille peut en venir à pareille diablerie ?

Il y a Connie Stotter, jeune fille placée dans un lycée de la dernière chance. Elle s’en prend à Carol Corman, qui concentre toute sa haine. Deux filles du même âge, avec les mêmes problèmes sociaux, qui auraient pu être les meilleures copines du monde. Mais Connie tend un piège à Carol, et la massacre, à coups de couteau, à coup de parpaing, comme pour la détruire totalement. Pourquoi ? Parce qu’elle ne l’aime pas, et qu’on ne peut pas se la ramener comme elle le fait.

Connie est assistée pour ce crime par son petit ami, Tarabont Kheler, issu de la communauté Amish. Et c’est avec ce jeune homme que l’histoire passe du banal (aussi horrible soit-il) au mystique, car Tarabont n’est pas un simple témoin. Les Amishs sont contre la violence, la subissent sans répliquer. Et non seulement il n’intervient pas mais en plus il prête la main. C’est donc aussi un crime de lui par rapport aux exigences fondamentales de sa foi. Un crime contre sa foi… Cet aspect du roman va compliquer la donne, car derrière l’acte se cache peut-être l’ambiance même de la région, et le fait que Connie et Tarabont ont en commun le désir du diable, la lecture de la Bible satanique d’Anton Szandor LaVey…

à la manière d’un true crime

Le style de Michel Moatti est volontairement neutre, sans emphase. L’enquête est menée avec soin, et le lecteur en suit toutes les étapes, jusqu’au procès, pendant lequel Connie affiche d’abord la bravade fougueuse de son âge en envoyant tout le monde ad patres, parce que ce sera plus simple qu’on en finisse avec elle. Petit à petit, autre chose se dessine, comme la possibilité qu’elle ait été elle-même, d’abord, une victime. Lancaster s’étoffe encore d’une nouvelle ligne, qui l’enrichit encore.

Lancaster est un roman à l’écriture claire, presque simple, comme une étude sociologique. Un roman pour poser la seule question utile quand on connaît toute l’histoire : comment peut-on en arriver à ce niveau de déshumanisation ?

Loïc Di Stefano

Michel Moatti, Lancaster, Editions Hervé Chopin, mai 2023, 333 pages, 19,50 euros

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