La Mer de la Tranquillité, et si tout cela n’existait pas…

Emily St. John Mandel, canadienne anglophone, s’est faite connaître du public français avec des romans très singuliers comme Dernière nuit à Montréal ou Station Eleven. Elle a récemment publié un très bon roman, L’hôtel de verre, dont La Mer de la Tranquillité récupère certains personnages tout en allant… dans une autre direction.

Le violon de l’étrange

Transportons-nous dans le bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver. Edwin, jeune aristocrate anglais, voyage au Canada, un peu pour fuir sa famille. Arrivé près de Vancouver, il se promène dans la forêt, croise un prêtre quand quelque chose d’insolite se passe :

[…] et l’obscurité s’abat, comme provoquée par une soudaine cécité ou une éclipse. Il a l’impression de se trouver dans un intérieur caverneux, genre gare de chemin de fer ou cathédrale, il entend des accords de violon, il y a des gens autour de lui, puis un son impossible à identifier… 

Edwin, interrogé par un prêtre nommé Roberts, ne comprendra jamais ce qui lui est arrivé. Un siècle plus tard, une femme nommée Mirella cherche à savoir ce qui est arrivé à son ancienne amie, Vincent Smith, dont l’époux a ruiné le sien (qui s’est suicidé). Elle retrouve le frère de Vincent, Paul et lui demande s’il a des nouvelles : Vincent est apparemment morte. Elle regarde une composition de Paul dans une exhibition, accompagnée d’une vidéo de Vincent où on entend dans un bois de Caiette un violon étrange tandis que l’image (le réel ?) tremble. Troublée, Mirella répond aux étranges questions d’un dénommé Gaspery Roberts puis s’enfuit.

En 2204, Olive, écrivaine de son état, a la même expérience. À l’institut du temps en 2401, une scientifique nommée Zoey Roberts collationne ces informations et se demande si notre monde ne serait pas juste… Une simulation ? Après bien des hésitations, elle envoie son frère Gaspery enquêter à travers le temps.

Vertigineux

Voici là un drôle d’OVNI ? A la fois thriller et enquête existentielle sur fond de voyage dans le temps, La Mer de la Tranquillité questionne le lecteur. Emily St. John Mandel réussit à créer une ambiance étrange, dérangeante, sans jamais être suffocante, avec des personnages très humains pris au piège d’un monde qui, littéralement, se dérobe sous leurs pieds. On pense parfois être dans un épisode du Twin Peaks de David Lynch. Au fond, La Mer de la Tranquillité est un roman passionnant.

Sylvain Bonnet

Emily St. John Mandel, La Mer de la Tranquillité, traduit de l’anglais par Gérard de Chergé, Rivages, août 2023, 304 pages, 22 euros

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