Égéries rouges, tout pour la Révolution

On connait Andreï Kozovoï, professeur à l’université de Lille, pour sa biographie de Brejnev (Perrin, 2021), et pour Les Services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier, 2022), ouvrage magistral donnant un panorama assez glaçant, couronné par le grand prix de l’académie du renseignement en 2022. Égéries rouges propose le portrait de 12 femmes ayant fait la Révolution russe.

Les nuances du rouge

Nous voici donc face à douze femmes engagées dans le processus révolutionnaire qui mit à bas l’autocratie tsariste et permit la naissance de l’URSS. Toutes ne furent pas des bolcheviks : Andreï Kozovoï a choisi des femmes issues du mouvement populiste, comme Sofia Perovskaïa qui a organisé l’assassinat d’Alexandre II, ou des socialistes révolutionnaires (SR) comme Vera Figner ou Ekaterina Brechkovskaïa. On y trouve aussi une actrice, de surcroit maîtresse de Gorki et affidée de Lénine, Maria Andreïeva. Sans compter bien sûr la diplomate Alexandra Kollontaï. Et puis il y a Fanny Kaplan qui tente d’assassiner Lénine, dont le profil est un peu à part…

Une affaire de femmes

Au fond de cet ouvrage, une question : comment ces femmes en viennent-elles à devenir des révolutionnaires ? Elles sont issues de classes favorisées, parfois nobles, toutes étudiantes. Certaines sont mêmes fortunées, par mariage ou héritage. Pour les premières, la frustration de ne pouvoir faire les études et d’occuper une profession qui leur conviennent joue un rôle déterminant dans leur rejet du système tsariste. Ce sentiment se renforce quand elles vont à la rencontre du peuple des campagnes, frustre et illettré (même si Lénine méprisait les paysans), pour lequel elles veulent renverser le régime. Pour celles de la génération suivante, bolchevik ou SR, s’y ajoute une formation marxiste et la certitude que la révolution rouge sauvera le peuple. Intelligentes, courageuses, prêtes à tout pour la cause, certaines s’avèrent aussi des terroristes sans pitié. La réalité du régime totalitaire enfermera au final certaines dans la peur, comme Nadejda Kroupskaïa ou la diplomate Alexandra Kollontaï.

Voici un ouvrage réussi et parfois glaçant.

Sylvain Bonnet

Andreï Kozovoï, Égéries rouges, Perrin, avril 2023, 288 pages, 22 euros

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