Michel Onfray, Le Fétiche et la marchandise

Le rêve capitaliste est-il de pouvoir tout transformer en marchandise, c’est-à-dire de pouvoir tout vendre ? Dans une optique très critique et proche de Jacques Ellul et Jean Baudrillard, Michel Onfray s’attaque avec Le Fétiche et la marchandise à la marchandisation de l’homme et à la réalisation problématique de deux cauchemars anticipés par Huxley et Orwell.

L’homme, nouvelle frontière du capitalisme

« […] le but du capitalisme est toujours de jouer avec la rareté afin de produire de la valeur, c’est-à-dire transformer en choses plus de choses qu’il n’y a de choses. »

Michel Onfray avait utilisé La Ferme des animaux de George Orwell dans Théorie de la dictature pour exposer sa critique du système politique en place sous l’ère macédonienne. Avec Le Fétiche et la marchandise, il utilise à présent Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley pour expliquer la mise en place du gouvernement planétaire et l’abêtissement généralisé des masses. Mes parallèles qu’il dresse sont très explicites et judicieux. Jugez plutôt : l’homme a été déconstruit, reproduit industriellement pour exister en groupes prédéfinis et génétiquement modifiés selon les besoins d’un gouvernement mondialisé.

Ainsi, la « plus précieuse des marchandises » serait l’homme lui-même, la masse servant à fournir ce dont l’élite aurait besoin. L’homme libre réduit à l’état de pièce détachée et de force de travail pour le bienêtre de quelques-uns. Et si pour cela il faut aller jusqu’à utiliser le ventre de femmes en état de mort cérébrale comme lebensborn moderne…

Un procès politique : la trahison de la gauche

La cible politique de Michel Onfray, c’est la gauche. Celle qui, selon ses mots, devrait être du côté de Fantine et Cosette et pas du côté de la famille Thénardier. Car que vaut un progrès s’il ne sert pas à protéger les plus faibles dans une société qui par ailleurs se propose comme modèle un asservissement globalisé ?

Le projet de gouvernement global, inféodé aux États-Unis et dont l’Europe de Maastricht serait une première expérience ne prend pas en compte la valeur humaine, mais seulement la marchandise. Onfray insiste a dessein sur le nom de l’opération de « libération » de l’Europe, overlord, en rappelant son sens premier de suzerain, lequel a donc des vassaux. La vassalisation de l’Europe (par la culture d’abord, puis par l’économie) se poursuit sous nos yeux et la gauche est la principale force collaborationniste, au nom d’un progrès devenu suffisant à soi seul, religion même.

Le Fétiche et la marchandise est un ouvrage accessible mais terrible. La lucidité de Michel Onfray, adossée à l’œuvre magistrale d’Aldols Huxley, est un regard sur la dérive du progressisme. Est-il encore temps de sauter de ce train fou en marche ?

Loïc Di Stefano

Michel Onfray, Le Fétiche et la marchandise, capitalisme et réification, J’ai lu, septembre 2024, 224 pages, 7,80 euros

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