Bootblack, le dytique de Mickaël dans le New-York des années 30

Bootblack est la deuxième série du genre après l’excellent Giant. Même lieu, même époque, même ambiance. Vous allez vous dire que l’on s’en lasse ? En aucun cas, car même s’il ne se renouvelle pas dans le dessin et c’est tant mieux, le dessinateur et scénariste Mickaël nous enfonce plus profondément dans la brutalité américaine du début du siècle dernier.

Tout remonte toujours à la surface

Ma parole, tu t’es fait ramoner aussi la cervelle aux tombeaux ou quoi ? Je te parle du très gros paquet que toi et les autres crotteux avez déposé dans une consigne à la gare de Grand Central il y a dix ans !

Le jeune Al Chrysler, de son vrai nom Altenberg, s’est enfuit très jeune de son cocon familial plutôt nauséabond. C’est à New-York, dans la rue, qu’il s’est affirmé et a tout appris, notamment son métier de cireur de rue. Et c’est dans cette rue qu’il trouve ses nouveaux copains pour nouvelle famille. Le lecteur navigue toujours entre les souvenirs d’Al Chrysler et l’Allemagne en guerre où il s’est engagé. Se font face un combat où la mort guette chacun de ses pas et des conflits de rue où il a dû faire sa place. Peu à peu se dessine les raisons de son engagement, les erreurs, les errements, l’envie de prouver à celle pour lequel il n’a d’yeux. Ce sera les mauvais coups et un mauvais enchainement jusqu’au drame qui le conduire en tôle et à sa sortie vers la guerre en Europe pour échapper à d’autres dangers.

Il rêve de Maggy, il veut lui prouver qu’il peut sortir de sa misérable condition de rue pour l’amener à Coney Island, la conquérir. Le chemin sera semé d’embûches, les truands, la prison, la guerre l’entraineront vers l’inconnu.

New York, ville sombre révélée

Et même s’il faut attendre de longs mois pour connaître la suite et fin qui pourraient d’ailleurs constituer un unique tome, on prend un grand plaisir à conclure ce diptyque. Mickaël aime cette fantastique ville qu’est New York, lui, habitant une autre mégapole voisine, Montréal. 

Il est plaisant de se replonger une centaine d’année en arrière et voir s’animer, fourmiller cette ville naissante.

Bootblack est renforcé par un scénario avec plus de profondeur, plus de noirceur et de cruauté. Celle des hommes de cette époque où l’Amérique était un rêve mais aussi un cauchemar. Pour exister voire subsister il fallait écraser son prochain. Cette réalité a-t-elle évolué ou est-ce toujours d’actualité ?

Mickaël met en scène les petites gens, l’ascenseur social n’est pas encore d’actualité, la loi du plus fort ou du plus retord est la banalité. Et malgré sa force de caractère, son héros est bien trop candide pour affronter la vie…

Son dessin est envoutant et nous met immédiatement dans cette ambiance ambiguë à la fois chaleureuse et inquiétante. Il nous baigne dans de belles couleurs sépia et le film se déroule sous nos yeux hébétés.

Vivement le prochain cycle qui se déroulera à Harlem, changement de quartier…

Xavier de la Verrie

Mickaël, Bootblack, Dargaud,

  • tome 1/2, juin 2019, 64 pages, 14,50 eur
  • tome 2/2, septembre 2020, 64 pages, 14,50 eur

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