Mirkine par Mirkine, l’âge d’or du cinéma en 500 photographies

Il y a comme ça, parfois, des livres incroyables qui vous emplissent d’un étonnement joyeux. Incroyables parce qu’inattendus.

Si l’on vous propose un livre de photos de cinéma, vous levez à peine un sourcil, tant vous avez déjà feuilletés. Le résultat est souvent décevant même si de ci de là jaillissent des clichés rares.

Lorsque l’on m’a annoncé un ouvrage sur les Mirkine père et fils, j’ai été un tantinet surpris car, à ma grande honte, je n’avais jamais entendu parler d’eux. Une lacune gigantesque dans ma culture que j’ai l’immodestie de considérer comme relativement étoffée. En réalité, pour des raisons familiales, je me suis beaucoup plus intéressé au travail de Sam Lévin, considéré comme « le photographe des stars. »

Arrive donc dans ma boite aux lettres un paquet de belle taille. À l’intérieur, un livre. Un livre ? Non : LE livre. Rien qu’à le tenir entre ses mains, à le regarder de face et de dos, on comprend que ce n’est pas n’importe quoi. Un objet hors du commun. Du lourd, comme on dit. Et même du très lourd. Et je ne parle pas seulement de son poids en grammes. La curiosité me prit de commencer à la feuilleter. Je faillis en perdre ma mâchoire.

Des photos à foison mais, surtout, des reproductions d’excellentes qualités. On oublie l’image pour plonger dans le spectacle qu’elle nous offre. Un voyage dans le temps. Une expédition dans le cinéma français telle que seuls ceux qui l’ont fabriqué s’en souviennent. Le tout accompagné de texte clair.

Ici, il me faut parler des Mirkine.

Léo Mirkine (1910-1982) fut un grand photographe français. Un Russe blanc – lourd clin d’œil à une douloureuse actualité. Il fut ce que l’on appelle précisément un photographe de plateau. Drôle de métier. A la base, il s’agit d’immortaliser des scènes tournées pour proposer des clichés aux journaux et au cinéma au moment de la sortie du film. Aujourd’hui, bien souvent, on prend ces photos pendant que les acteurs jouent leurs scènes. Autrefois, et pendant très longtemps, le photographe demandait aux comédiens non pas de rejouer la scène mais de faire « comme si » en cessant de bouger pendant quelques secondes.

Heureusement les grands photographes de plateau ne se contentaient pas de fournir des clichés promotionnels. Ils faisaient plus. Et mieux. Ils s’efforçaient de capter une atmosphère, de saisir des instants magiques, d’offrir un témoignage inédit. Mirkine était indéniablement passé maître en la matière. Ses clichés parlent pour lui. Et ils racontent beaucoup de choses : une certaine manière de faire du cinéma, une autre façon de présenter les stars, un amour pour les moments de vie. Quelle précision dans le cliché. Quel talent dans le choix de l’angle de prise de vue.

Yves Mirkine prit la succession de son père. Ce qui permet à cet album de s’étendre de 1930 à 1980. 50 ans de cinéma immortalisés sur 400 pages.

Il n’y a pas que les photos de tournage, il y aussi les photos de festivals, de galas, de rencontres officielles. Époustouflant. Inutile de dresser la liste des comédiens et des réalisateurs. Ils venus, ils sont tous là. Y compris ceux d’Italie ou d’Hollywood. Ce livre, c’est la grande fête du cinéma, mieux que ne le feront jamais les César et autres variations faussement confraternelles.

Je ne sais pas si vous avez déjà vu dans certains salons chics, maitre et maîtresse de céans disposent sur une table basse des livres sur des peintres de renom, des architectes ou des lieux enchanteurs. Livres lourds que personne ne lit jamais et qui prendraient la poussière si la bonniche bretonne n’y passait jamais son plumeau. Je peux vous assurer que si vous déposez ce livre des Mirkine sur une table basse, tout le monde se précipitera pour le feuilleter. Quitte à bousiller la soirée tant il est captivant.

Il faut féliciter l’éditeur (Flammarion) pour ce travail ainsi que ceux qui ont mis joint leurs forces pour concrétiser cet hommage mérité. Je souhaite sincèrement que d’autres produits du même type – et surtout d’une qualité identique – apparaissent dans les années à venir. Car c’est de cette façon – beaucoup plus qu’à travers des études et des pensums – que l’on restitue toute la magie du septième art. Merci messieurs Mirkine.

Philippe Durant

Stéphane Mirkine, Mirkine par Mirkine, Flammarion, février 2022, 400 pages, 75 €  

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