Démocraties contre empires autoritaires : un monde dangereux
Voici la réédition d’un essai paru aux éditions de l’Observatoire en mars 2023 dû à la plume du libéral Nicolas Baverez, disciple de Raymond Aron, éditorialiste au Point et auteur il y a vingt ans d’un essai dont le titre résonne étrangement aujourd’hui, La France qui tombe. Démocraties contre Empires autoritaires revenait sur le conflit russo-ukrainien et ses implications géopolitiques.
Une thèse séduisante…

Ici, Nicolas Baverez peint la réalité du monde actuel, clivé entre le clan des régimes autoritaires, emmenés par la Russie et surtout la Chine, et les démocraties occidentales. Celles-ci ont droit à un réveil très douloureux, bercées depuis la chute du mur en 1989 dans le pacifisme et la croyance dans leur supériorité économique et technologique. Or l’Europe, aujourd’hui fortement désindustrialisée, dépend essentiellement de l’OTAN et donc de la garantie américaine pour sa défense. Cette garantie a été remise en cause lors de la présidence de Donald Trump avant que Biden ne revienne en arrière. C’est grâce aux Etats-Unis que l’Ukraine a pu tenir (même si Biden aurait gagné à entretenir une ambiguïté stratégique sur l’engagement au sol de troupes américaines début février 2022). Baverez démontre avec brio le lien entre l’Ukraine et la question de Taïwan, clef du soutien chinois à la Russie. C’est un test auquel les démocraties sont soumises, un moment crucial donc, surtout que les nuages s’amoncellent…
Mais la réalité est pire !
Nicolas Baverez montre aussi la fracture entre Sud global et Occident. Les pays du Sud n’ont pas voulu soutenir les positions pro-ukrainiennes des démocraties occidentales. Les raisons en sont simples : D’abord, l’intervention américaine en Irak en 2003, bâtie sur un mensonge, a laissé des traces. Ensuite, la mondialisation a aussi été dans certains pays synonymes d’exploitation (ça, Baverez ne le dit pas). Donc c’est un retour d’uppercut. Mais le pire est à venir, que Baverez ne pouvait savoir (mais il y pensait) : la réélection de Donald Trump. Le dirigeant américain a prouvé par le passé qu’il était imprévisible (cela peut être une qualité ou un défaut), voire erratique. Le soutien à l’Ukraine n’est en tout plus automatique, à un moment où les Russes ont pris l’ascendant sur le terrain. Trump conclura-t-il un cessez-le-feu sur le modèle coréen ? Quid de ses menaces de supprimer l’OTAN ? En tout cas, les européens vont devoir choisir entre la disparition pure et simple de la scène géopolitique ou alors renouer avec une vraie politique stratégique en assumant eux-mêmes leur défense, ce qui implique une augmentation des budgets, le développement d’une industrie de défense (y compris un volant high tech) et… de recruter des soldats.
Le sous-titre de ce livre n’a jamais été aussi vrai : la liberté est un combat.
Sylvain Bonnet
Nicolas Baverez, Démocraties contre empires autoritaires, Alpha, octobre 2024, 296 pages, 9 euros