Nightflyers, George R. R. Martin, un artiste du récit
Martin avant Martin
On ne répétera jamais assez que George R.R. Martin a eu une vie avant Le Trône de fer, celle d’un nouvelliste de talent qui faisait les délices de l’amateur. Avec lui, on avait droit à des récits précis, avec des chutes efficaces, qui lui valurent de nombreux prix outre-atlantique (Hugo, Nebula, Locus). Ce fut le cas par exemple du Volcryn dont l’adaptation télévisée (apparemment ratée) a fourni l’occasion aux éditions ActuSF de publier ce volume, constitué de la réédition de la novella éponyme accompagnée de cinq autres histoires dont la fameuse Une chanson pour Lya. Alors, ami lecteur, viens avec moi découvrir les merveilles de Martin.
Un recueil très varié
Le Volcryn raconte l’histoire d’un vaisseau commandé par Royd Eris et qui emmène des scientifiques à la recherche d’un contact avec une intelligence extraterrestre, le fameux Volcryn. Sauf que les morts se succèdent dans le vaisseau, le bien dénommé Armagueddon, tandis que Royd Eris demeure invisible. Le vaisseau apparaît comme une vraie menace. Pour une poignée de volutoines est une histoire intéressante, où les morts-vivants sont récupérés comme travailleurs par les hommes, avec bien sûr une chute finale qui renvoie les vivants et les morts côte-à-côte. Week-end en zone de guerre se signale par son anti-militariste typique des années 70. Sept fois, sept fois l’homme, jamais ! raconte comment les hommes cohabitent sur une planète récemment colonisée avec l’espèce des Jaenshi, qu’ils ne comprennent pas.
Voici là une collection d’histoires bien faites, très plaisantes. Et puis il y a Une chanson pour Lya.
Un joyau
Les villes des Ch’kéens étaient anciennes, bien davantage que celles des hommes, et l’immense métropole aux tons de rouille qui s’élevait sur leurs collines saintes était la plus ancienne de toutes. Elle n’avait pas de nom. Elle n’en avait pas besoin. »
C’est l’histoire de Lya et de son compagnon, Robb, appelés sur la planète par l’administrateur, Valcaranghi. Lya est une télépathe, bien plus douée que Robb qui ne sent que les émotions. Ils sont là pour essayer de comprendre la relation qu’entretiennent les autochtones avec leur dieu, qui apparaît comme une espèce de parasite, surtout que des humains rejoignent la secte. Or, plus ils avancent dans leurs investigations, plus Lya est troublée. Puis attirée par ce culte, au point qu’elle le rejoindra, acceptant de dissoudre son individualité dans un grand tout, appelant son compagnon à la rejoindre, sans succès… Voilà un récit bouleversant, qui embrasse bien des problèmes actuels.
Mais rien ne fonctionnerait si les personnages n’étaient pas réussis. Il s’agit d’une des facettes du talent de George R.R. Martin : cet homme sait raconter des histoires et faire vivre ses personnages. Un talent rare, qu’il convient de saluer bien bas.
Sylvain Bonnet
George R.R. Martin, Nightflyers, traduit de l’anglais par Eric Holstein & Odile Sabathé-Ricklin & Ayerdhal & Monique Cantanas & M.C. Luong & Erwan Devos & Hermin Hemon, ActuSF collection « Perles d’épice », octobre 2018, 390 pages, 19,90 eur